Le vieux pachyderme devient-il un sanglier affaissé ?

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Le Pachyderme socialiste (PS) se vide-t-il du reliquat d’énergie et de vitalité qui lui confère encore une implantation respectable dans le pays et un rôle propulseur dans le trio de locomotives du Benno Bokk Yakaar ? Le futur immédiat confirmera ou infirmera. Pour l’heure, les craquements sonores et le tohu-bohu effréné présagent d’horribles lendemains d’agonie pour un Parti dont l’odyssée glorieuse (1948-2000) est intimement liée au cheminement national vers l’indépendance et à l’érection d’un Etat stable. Quelle ironie du sort ! C’est au moment où le destin institutionnel du Sénégal se joue, via un référendum, que l’avenir du PS se décline en images oscillantes et mêlées d’éléphant exténué et de sanglier affaissé.

La journée des longs couteaux à Colobane (siège du PS) est un gros dégât collatéral imputable au référendum du 20 mars. Certes, la Saint-Barthélemy était à l’état latent et larvé chez les socialistes, mais de nombreuses péripéties (emprunt obligataire torpillé, bras de fer autour de la Place de l’Indépendance, plausible candidature du maire de Dakar à la présidentielle de 2019 etc.) ont constitué un amas d’éléments très inflammables. L’installation du fameux Etat-major du « OUI » au référendum a fourni l’étincelle qui a fatalement mis le feu aux poudres, à l’occasion d’un Bureau politique consacré précisément à l’imminente consultation populaire. Avec le scénario classique du fer de lance, c’est-à-dire, des jeunesses qui sont aux antipodes de la sagesse et à l’opposé de la résignation. Pas étonnants donc que les jeunes socialistes (instrumentalisés ou pas) aient cassé la vaisselle (fokh ndap) et cassé la figure à tout hiérarque « tanoriste » à leur portée.    

Cette soudaine éruption est la parfaite preuve que le PS post-Abdou Diouf reste un volcan endormi ou mal éteint. En dépit des efforts herculéens du stoïque et tenace camarade Ousmane Tanor Dieng qui, après la Bérézina de mars 2000, a récupéré les débris, recollé les morceaux et reconstruit –  avec une patience digne de Pénélope – le lointain et double héritier de l’Union Progressiste Sénégalaise (UPS) et du Bloc Démocratique Sénégalais (BDS). Cette  prouesse-là a sauvé le PS des rigueurs souvent mortelles de la traversée politique du désert. Sans le mettre à l’abri des impatiences rageuses et du choc inévitable des ambitions qu’autorise la démocratie à l’intérieur d’un Parti social-démocrate comme le PS ; et que favorise la mobilité à la tête du pays consacrée par les deux alternances de 2000 et de 2012. Des contradictions qui sont, à la fois, porteuses de dynamisme et de dynamite à orienter et non à  contrer à la hussarde.    

Qu’a fait, jusque-là, Ousmane Tanor Dieng ? Il tient solidement le gouvernail. Ce qui fait de lui, le maitre des instances peuplées et verrouillées par ses inconditionnels. En revanche, il n’est pas le maitre des échéances que sont le référendum du 20 mars 2016, la présidentielle de 2019 et le scrutin intercalé et législatif de 2017. Ces perspectives-là ont fécondé, jusqu’à l’éclosion, de sérieuses divergences qui tournent autour de la brièveté ou de la pérennité du compagnonnage avec l’APR. Autrement dit, le PS a-t-il vocation à être le vassal, le relais et le rouage de l’APR dans une alliance, BBY, qui fait figure de carcan interminablement étouffant pour les alliés d’un certain poids électoral et d’un certain passé prestigieux ? Malheureusement, les débats n’ont pas débouché sur « le consensus intime des cœurs et des esprits » pour paraphraser Léopold Sédar Senghor. Relire la résolution du Congrès extraordinaire de l’UPS des 27 et 29 décembre 1976. Un conclave préparatoire à la transformation de l’UPS en PS (obédience social-démocrate) condition sine qua non pour franchir le seuil de l’Internationale Socialiste.  

Le samedi 5 mars 2016, un ressort s’est brisé. Plus rien ne sera, comme avant, dans la vie du PS et dans les relations Khalifa Sall-Tanor Dieng. L’antagonisme a atteint un point de non-retour. Le destin du plus ancien Parti de l’échiquier est en mis en équation par le référendum et ses ondes de choc. Des sanctions non exemptes d’exclusions à la pelle ainsi que des suites judiciaires sont dans l’air. Le syndrome du FPI post-Gbagbo, en Côte d’Ivoire, affleure. Tanor a et aura toujours la haute main sur l’appareil mais les gros bataillons de militants – et futurs électeurs socialistes au référendum prochain – seront scindés en trois contingents : les partisans de Tanor, les supporters de Khalifa et les orphelins déboussolés d’un Parti en lambeaux. Même si comparaison n’est évidemment pas raison, la leçon électorale ivoirienne a démontré que Pascal Affi Nguessan (artisan d’un compromis suspect avec le Président Ouattara) a perdu le contrôle des troupes du FPI, un Parti de gauche et un membre actif de l’Internationale Socialiste où il côtoie le PS sénégalais.  

La bataille de Colobane est loin de connaitre son épilogue. Le maire de Dakar a gagné la première manche. Le numéro un du PS, Ousmane Tanor Dieng, a gagné la seconde. La suite se déroulera à l’échelle de Dakar et du pays tout entier. Un rapport de forces que les observateurs surveilleront attentivement. D’autant que les forces en présence sont difficiles à mettre en parallèle et en équilibre. Auprès d’Ousmane Tanor Dieng, on recense des socialistes de premier plan qui ne sont pas, à la base, les premiers porteurs de voix. Le ministre Sérgine Mbaye Thiam est plus un homme d’appareil qu’un homme de terrain. Il n’a pas l’onction populaire de son camarade et homonyme Me Moussa Bocar Thiam, l’édile socialiste de la ville-carrefour d’Ouorossogui. 


Quant à la fidèle et non moins ministre Aminata Mbengue Ndiaye, elle a été bousculée, à Louga, par le rouleau compresseur de l’APR. Ousmane Tanor Dieng, lui-même, est défait à Mbour, par un APR pur jus, en l’occurrence, le ministre-directeur du cabinet du Président de la république, Me Oumar Youm. Difficulté supplémentaire pour la direction actuelle du PS : elle affronte le maire de Dakar dans son bastion dakarois où il est fort des soutiens de ses collègues des communes de Médina, du Point E, de Grand-Yoff et de Dalifort. Et bénéficie aussi de la proximité affective du maire Alioune Ndoye de la commune de Dakar-Plateau. Il s’y ajoute que les hostilités croisées ou combinées des dirigeants du PS et des Pouvoirs publics, offrent gracieusement un bonus pour martyr à un Khalifa Sall vainqueur, dans la capitale, de l’ex-numéro deux de l’Etat et de l’APR, Aminata Touré. 

L’auto-décapitation en cours au PS perturbe-t-elle l’Etat-major du « OUI » mis en place et en ordre de bataille par le Président Macky Sall ? Il est certain que les stratèges du Palais ont l’œil rivé sur les convulsions préoccupantes de cet allié très mal en point. Coiffé de ses trois casquettes de Président de la république, de chef de parti et de catalyseur du « OUI » au référendum, Macky Sall a – via le ministère de l’Intérieur – rétabli l’ordre dans et autour de la permanence du PS qui n’a pas le privilège d’exterritorialité des ambassades. Tout en se gardant de toute ingérence flagrante, le père des 15 points de la Réforme, Macky Sall, a sûrement déploré ce clash pré-référendaire qui brouille forcément ses calculs et autres projections relatives au taux de participation et à l’ampleur précieuse du « OUI ». 

Enfin l’homme politique et Président de l’APR, Macky Sall, ne versera point de larmes sur le corps agonisant de cet allié d’aujourd’hui et concurrent de demain ou d’après-demain. En politique, les bons alliés sont les alliés faibles ou affaiblis. Avec une AFP pulvérisée et un PS passé à la moulinette, l’APR annexera Benno Bokk Yakaar et construira son hégémonie. A condition que le « OUI » gagne. Car un « NON » massif ferait de Benno Bokk Yakaar, une horde mixte de fantômes et de zombies. 

Babacar Justin Ndiaye

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