CONTRIBUTION : L’histoire à rebours…

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REBOURS

Drôle de mot que Referendum. Avec ou sans accents, il adopte la même indifférence morphologique et sémantique. Et signifie tout à la fois, une consultation du peuple par ses élus et une manipulation de la souveraineté populaire par les mêmes élus, pour élargir leurs prérogatives et consolider leur pouvoir : en toute légalité. En effet, aucun referendum n’est jamais qu’une réponse méticuleusement encadrée, à une question dont le contenu et le mode de formulation ne laissent aucune autre issue que les deux brèches ouvertes par l’autorité consultante. Qui plus est, quelle que soit l’issue de ce drôle de scrutin, elle s’en sort toujours renforcée et légitimée dans son pouvoir et le peuple satisfait d’avoir retrouvé et éprouvé sa souveraineté. 

Quant au Conseil constitutionnel, Avis ou Décision, comme l’expliquent très doctement nos experts, il n’aura formulé qu’une réponse contrainte à une question contraignante. De sorte qu’en l’occurrence, question et réponse interagissent et se reflètent mutuellement, comme deux miroirs de mêmes dimensions, disposés l’un vis-à-vis de l’autre. Le résultat du referendum participera ainsi de ces sortes de paralysies intermittentes, provoquées par nos gouvernants sur la marche et la maturation de notre démocratie. Et que depuis Senghor en 1962, ils cherchent à nous convaincre que ce sont des fulgurances qui nous éclairent la voie pour la réalisation de notre destin démocratique.

Mais le destin, à en croire Jean Giraudoux, « c’est la forme accélérée du temps », un temps hors de tout contrôle. C’est pour cette raison qu’en formulant la promesse de réduire son mandat, le candidat Macky Sall aurait dû savoir qu’une fois élu, il intégrerait l’espace-temps d’une sacralité où sa parole acquerrait une dimension verbale, une portée symbolique et impérative que lui confère désormais le statut de président de la République.

De fait, depuis lors, son discours de campagne s’est transformé en une parole plus décisive, plus essentielle que celle des cinq sages, dont la sagesse ne peut être formulée et mise en forme que sur sa demande express. Ainsi hissé à un tel niveau de responsabilité(s), il ne pouvait ignorer ce que devrait être son attitude devant la sentence du Conseil constitutionnel, « Avis » ou « Décision » : nul n’est censé ignorer la loi?; nul président d’aucune République n’est censé ignorer les devoirs de sa charge et les prérogatives qui y sont attachées. Pour cette raison, nécessaire et suffisante, il aurait dû prévoir et, le cas échéant, explorer toutes les voies de recours qui lui auraient permis de tenir sa promesse, sous la caution légale du Conseil constitutionnel et la fierté légitime du peuple d’avoir élu un homme d’honneur. Ses adversaires les plus irréductibles auraient alors été contraints de voir en lui un politique qui respecte sa parole, un Président gardien et garant de la Constitution, un démocrate uniquement préoccupé par le mieux-être de ses concitoyens.

Au contraire, si le Président cherche plutôt à se couvrir du voile (trop transparent) de l’avis du constitutionnel pour ne pas tenir sa promesse, son mandat actuel ne serait qu’une usurpation, fruit pourri d’une manipulation de la confiance et de la souveraineté du peuple. Quant à ses conseillers juridiques, ils n’auront été dans cette affaire que comme ces savants dont parle Montaigne : « Ils vont pilotant la science dans les livres et ne la logent qu’au bout de leurs lèvres pour la dégorger seulement et mettre au vent (…) elle passe de main en main, pour cette seule fin d’en faire parade. » En effet, aujourd’hui dans notre pays, la connaissance est de plus en plus capturée et privatisée par des experts. Qui, dès qu’ils intègrent les cercles du pouvoir, font du savoir un luxe, un capital improductif et superflu qui nous enlise dans une conception traditionaliste de l’histoire, où le passé ne sert plus à provoquer et produire de l’avenir.

Littéralement, nous sommes ainsi au cœur de ce que Nietzsche appelle « l’illusion historique ». Dans la perspective de notre histoire politique, cela « nous procure une succession de petits contentements juxtaposés les uns aux autres, dans l’espérance inaccessible d’une grande satisfaction (… ) qui nous aide à supporter une existence aliénée, en attendant un paradis dont nous tissons l’image en un leurre suprême. » En amont et en aval, ce referendum participe de cette logique. Pourtant, le Président Macky Sall est déjà entré dans l’histoire : par la grandeur d’âme et la dignité qui lui ont fait quitter le Pds, la qualité de sa campagne électorale, les circonstances de son accession au pouvoir… Mais après cette performance, il doit comprendre que le pouvoir n’est en soi ni une fin ni une finalité.

Il doit plutôt cultiver en lui le sens du sublime, c’est-à-dire de l’autodépassement. Or, comme dit Pierre Yves Bourdil : « Nous commentons toujours ce que les héros ont pensé, et pas assez ce qui leur est resté inaccessible et par quoi justement, ils sont très grands. » Précisément, ce referendum nous ramène à l’ère des antiquaires de l’histoire, dont la très confortable spécialité est de faire commerce de ce qu’ils n’ont pas produit. Car en définitive, Referendum ou Référendum, lorsqu’une démocratie en est réduite à ce mot si indolent pour s’ouvrir la voie de sa perfection, en toute légalité, elle initie sa décadence. Dans cette perspective, Referendum ou Référendum, c’est l’histoire à rebours…

Galasse fmdiallo1@yahoo.fr  

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