Abou Abel Thiam : «La saisine du Conseil constitutionnel dessaisit le Président Sall»

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abou abel

Fidèle à son franc-parler, Abou Abel Thiam, membre de l’Alliance pour la République par ailleurs Président du Collège de l’Artp, se confie sans détour  sur les questions chaudes de l’actualité : réduction du mandat, bi nationalité, avis du Groupe consultatif de l’ONU. Entretien exclusif. 

Aujourd’hui, le Président de la République se prononce sur la décision du Conseil Constitutionnel notamment la durée du mandat présidentiel. Qu’en pensez-vous?

C’est une révision importante que le Président a mis en chantier.

Il s’agit de révisions consolidantes, d’avancées démocratiques extrêmement importantes pour notre pays. Parmi ces ruptures la plus symbolique étant la volonté du président de réduire le mandat présidentiel de 7 à 5 ans et de se l’appliquer. J’ai déjà dit et je le réitère que ce sont sur des valeurs que j’ai choisi d’accompagner le président Macky Sall. C’est sur la vertu et sur des valeurs fondamentales que j’ai choisi de le faire. Dès les premières heures de ce débat, j’ai dit que j’aiderai le président à aller dans le sens de son engagement parce qu’il ne s’est pas agi simplement d’une promesse électorale, mais d’un engagement ferme à l’intérieur et à l’extérieur du pays. Aujourd’hui, il a transmis sa volonté à notre juridiction suprême, le Conseil constitutionnel. Et j’estime qu’en saisissant le Conseil constitutionnel, le président Macky Sall se dessaisit de la question. À partir de là, je ne sais quelle fausse querelle on pourrait lui faire. Il a fini d’accomplir ce qu’il devait faire. Et à partir du moment, où le Conseil se prononcera, tout le monde, y compris, le président Macky devra respecter et appliquer ce que le Conseil aura dit. Et cela ne sera pas la première fois qu’on suivra ce que le Conseil constitutionnel aura dit. C’est pourquoi j’invite tous les partisans du président et mes camarades de l’Apr à respecter cette décision. Ce qui serait grave, c’est que dans nos rangs on entend des notes discordantes.

Vous parlez de Moustapha Cissé Lo?

Je ne vise personne. Mais, j’estime que du moment où le Conseil constitutionnel émettra son avis tous les débats devront cesser.

Ce n’est pas seulement au sein de l’Apr qu’il y a des voix discordantes. Mamadou Massaly a menacé de poursuivre le président pour haute trahison s’il réduit son mandat

Je parle aux citoyens sénégalais. Pas seulement à mes camarades de l’Apr. Le minimum que nous puissions faire c’est que lorsque la décision du Conseil constitutionnel sera connue qu’on la respecte. Je ne m’imagine pas l’ambiance, le désordre et le charivari qui s’installera dans un pays où les citoyens auraient la latitude d’aller dans le sens contraire de ce que dit la loi à travers ceux qui sont chargés de l’exprimer.

Et si le Conseil constitutionnel se prononce en faveur d’un mandat de sept ans?

J’estimerai que le mandat doit être de 7 ans alors. À l’impossible nul n’est tenu. Je ne vois pas de voie autre. Il serait dangereux pour le pays de défier l’avis du Conseil Constitutionnel.

Vous avez été le premier à dénoncer la binationalité de Karim Wade. Pensez-vous qu’il soit légitime qu’il se présente à une élection présidentielle?

Non, d’autant plus que ce débat qui se soulève à nouveau me fait sourire. J’ai été le premier à dénoncer la double nationalité de Karim Wade, mais aussi sa nationalité tardive. J’ai estimé que les ambitions actuelles de Karim Wade comme en son temps en 2009, lorsqu’il voulait prendre une mairie à Dakar, celles-là sont en déphasage avec ce que le Sénégal n’a jamais représenté pour lui, à savoir être son pays. Karim Wade n’a jamais eu un sentiment d’appartenance au Sénégal. Il n’a jamais cherché à être sénégalais avant l’avènement de son père au pouvoir. Et même en ce temps Abdoulaye Wade est connu des Africains, des Sénégalais, comme étant un homme politique à passer sa vie à chercher le pouvoir et à tenter de l’exercer. J’ai été choqué de découvrir en 2009 que son fils Karim Wade n’a été inscrit sur les fiches de l’état civil sénégalais qu’en 2002. Je l’ai découvert, je l’ai prouvé en son temps. Parce que chacun d’entre nous sénégalais, dispose de ce que l’on appelle un NIN, un numéro d’identification national, à partir duquel on connait votre sexe et votre année d’inscription sur le registre d’état civil et le numéro sous lequel vous êtes inscrit sur ces registres. Il se trouve très souvent que l’année d’inscription correspond à l’année de naissance. Mais, pour d’autres, pour différentes raisons cette année d’inscription ne correspond pas à l’année de naissance. C’est le cas de ceux qui se sont inscrits tardivement. Karim Wade, fils de Abdoulaye Wade, n’a estimé devoir s’inscrire dans les fiches d’état civil du Sénégal qu’en 2009, lui qui est né en 1968. L’enseignement politique et sociologique que l’on peut en tirer est que cette situation de Karim Wade montre le mépris qu’il a toujours nourri pour le Sénégal et les Sénégalais. Elle explique aussi pourquoi quelqu’un qui subitement se dit sénégalais, quelqu’un dont on découvre le 2e patronyme à savoir Meissa, que lorsque son père est arrivé au pouvoir, pourquoi cette personne ne parle aucune langue de notre pays.

Il aurait appris le wolof en prison?

Oui, mais tardivement. Apprendre le wolof par des Américains ou attendre la quarantaine pour l’apprendre pour des besoins politiques ne signifie pas être immergé dans le substrat sénégalais, se considérer comme un sénégalais, considérer les Sénégalais au même pied d’égalité et donc parler naturellement le wolof qui est la langue de rue au Sénégal. L’autre enseignement que j’en tire est que c’est Idrissa Seck par ses fanfaronnades, ses foucades, du genre je suis devenu riche, à l’époque où il était devenu Directeur de cabinet de Abdoulaye Wade, par des sorties médiatiques intempestives, par une exposition de richesse, qui a motivé Karim Wade à venir s’installer au Sénégal, deux ans après l’avènement de son père et a intégré le dispositif de gestion du pays et a profité des erreurs d’Idrissa Seck pour l’écarter. Il s’est dit si c’est lui qui doit jouir du pouvoir de mon père autant que cela soit moi. Voilà l’explication du retour de Karim Wade, qui n’a jamais voté pour son père pas plus qu’il ne l’a fait pour l’avènement de son père.

J’estime que la charge de président de la République est fondamentalement importante, délicat. C’est probablement la charge la plus importante dans notre pays pour ne pas souffrir d’une double nationalité. Lorsqu’on a la prétention de diriger un pays, de le symboliser, d’être le premier de ces concitoyens au sens protocolaire du terme, on ne peut pas avoir la binationalité. Ne serait-ce que pour la sécurité de notre, cela n’est pas admissible.

Abdoulaye Wade s’est exprimé dans un document et montré que Senghor et Diouf ont également joui de cette double nationalité?

J’estime que Abdoulaye Wade nous entraîne nous sur un terrain d’exégèse, de concepts juridiques pour essayer de nous enfumer et de déplacer l’axe du débat.  Effectivement, au 3 avril 1960 tous ceux qui sont devenus le 4 avril 1960 des Sénégalais étaient la veille des Français. Par contre, ce qui ne serait pas admissible c’est qu’on puisse découvrir un jour que Abdoulaye Wade qui a été président de la République ait gardé une autre nationalité qui est sénégalaise, qu’elle soit française ou autre. Cela ne serait pas admissible. Les effets de son élection ne pourront pas être annihilés, on ne peut pas retourner en arrière pour qu’il ne soit plus président de la République. Par contre, au plan moral, de la sécurité du pays, il serait quand même inadmissible qu’on puisse découvrir aujourd’hui que quelqu’un qui puisse découvrir aujourd’hui que quelqu’un qui a eu la suprême charge dans notre pays, ait eu une nationalité autre que celle-là, exclusivement sénégalaise.

Dans ce même document produit par Abdoulaye Wade, on y apprend également que Macky Sall, actuel président du Sénégal, détient la nationalité américaine?

Je m’inscris en faux contre cela. Et si on découvrait que Macky Sall étant président de la République détient une nationalité autre que sénégalaise, je le combattrai, je ne l’accepterai pas. Ce n’est pas parce que c’est Macky Sall que je l’accepterai pour lui. C’est parce que je suis son ami que je le condamnerai plus durement. Je suis intimement convaincu que Macky Sall ne peut pas avoir une nationalité autre que sénégalaise. Sinon, il aura failli, il aura été coupable de parjures. Ce qui est certain, pour la charge suprême de président de la République, cela n’est pas admissible. Ma conviction est que toute personne qui a vocation à diriger notre pays devrait commencer à avoir une seule nationalité.

Et qu’en est-il alors de Senghor et Diouf qui avaient tous les deux la double nationalité?

Ce ne sont pas des situations comparables. Ce sont aussi des contextes différents. Mais aujourd’hui, on ne peut pas l’accepter.

Le Groupe consultatif de l’ONU a rendu un deuxième avis et a confirmé que Karim Wade est détenu arbitrairement. Qu’en pensez-vous?

Il s’agit d’un groupe consultatif qui n’a ni statut ni vocation à s’ériger en juridiction. C’est juste un groupe d’experts qui émet un avis. D’ailleurs, ceux qui se disent experts dans ce genre d’avis n’ont pas d’autre travail. Un avis de ce genre de groupe reste un avis. Ce n’est pas l’avis d’une juridiction, ce n’est pas l’avis d’un tribunal. C’est l’avis d’un groupe d’expert.

Mais beaucoup pensent que le Sénégal devrait se conformer à cet avis

Et pourquoi? En vertu de quoi, notre architecture judiciaire ne comporte pas de pallier où se trouve le Groupe des Nations unies. L’instance la plus élevée dans notre ordre juridictionnel c’est le Conseil constitutionnel au-delà de lui c’est le peuple sénégalais qui est souverain au nom duquel les juges rendent la justice. Il n’y a aucune instance au monde où un groupe peut donner des injonctions pour que la justice aille dans un sens ou un autre. Dernièrement, la Grande-Bretagne a sorti un avis contraire à ces experts. Donc, cela reste un débat entre juristes.

Amsatou Sow Sidibé, juriste, a été évincé pour avoir émis un avis sur cette question. Quelle lecture en faites-vous?

Je ne connais pas un pays au monde où un conseiller du président émet des injonctions pour le président de la République et encore, publiques. Je m’en arrête là pour rester poli.

Avec l’emprisonnement de Oumar Sarr et d’autres membres du Pds, n’avez-vous pas l’impression que nous vivons un régime tyrannique avec Macky Sall?

Il est tyrannique dans le sens qu’il mette en prison ceux qui méritent d’aller en prison. Cette tyrannie-là il nous la faut. Je préfère cette tyrannie au laxisme qui consisterait à laisser dans la nature des gens qui détournent nos maigres ressources et qui nous empêchent de nous développer, et qui sont des contre-valeurs. Je préfère plus d’ordre à pas d’ordre du tout.

Source: Seneweb

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