Me Bassirou N’gom avocat à la Cour : « La plainte de Karim Wade est un appel du pied à ses parents français … Ce que Amsatou Sidibé a dit du Groupe de travail peut être très curieux… »

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BASSIROU NGOM1
 Avocat à la cour mais aussi de l’Etat dans le dossier Karim Wade, Me Bassirou N’gom épluche ici avec nous les dernières actualités dominées par la défenestration du ministre-conseiller Amsatou Sow Sidibé, logique d’après lui, mais aussi la plainte des avocats de Karim Wade au parquet de Paris. Une main tendue par le fils de l’ancien Chef de l’Etat qui n’a acquis la nationalité sénégalaise que pour des prébendes, constate t-il tout en s’offusquant que le Sénégal, s’il en juge les déclarations d’un des avocats de Karim, ait été dirigé pendant 12 ans par un étranger.

Le Chef de l’Etat a mis fin dernièrement aux fonctions de Mme Amsatou Sow Sidibé. Après une sortie de cette dernière relative à l’avis du groupe de travail de l’ONU. Comment l’avez-vous apprécié ?

Personne ne peut nier que la solidarité gouvernementale doit être respectée. Quand on est dans un Gouvernement, il y a une attitude à tenir. Je n’ai rien contre Amsatou Sow Sidibé. Je suis Républicain et je crois aux règles de fonctionnement de la République. C’est la raison pour laquelle, je ne peux pas être étonné que le Président de la République prenne cette décision. Quand on sait que le principe de la solidarité gouvernementale doit être respecté. On ne peut pas être dans un Gouvernement et en dehors. Ce que Madame Sidibé a dit du Groupe de travail peut être très curieux parce qu’elle est juriste. Et je ne peux pas comprendre qu’un ministre de la République, un juriste de surcroît demande à l’Etat de faire primer un avis d’un groupe d’experts sur les décisions qui ont l’autorité de la chose jugée dans son pays.
Karim Wade a été jugé par la CREI, son arrêt a été confirmé par la Cour suprême et qui a maintenant l’autorité de la chose jugée. Vous savez que le groupe de travail ne censure pas les décisions qui sont rendues par un tribunal. Il parle des conditions de détention et dans son avis, le groupe a dit que la détention était trop longue avant son jugement. D’ailleurs dans leur mandat, il leur est interdit de parler d’affaire dans lesquelles il y a eu une décision de justice. C’est la raison pour laquelle c’est dommage qu’il ait dit que le Sénégal est forclos, mais s’il avait lu notre dossier il n’aurait pas pu prendre de décision parce qu’il y a des décisions qui ont été rendues dans cette affaire et leur mandat le leur interdit.
On dit qu’ils n’ont pas jugé l’affaire, mais parlent de la détention qui est trop longue. Mais c’est parce que eux ne maîtrisent pas, le fonctionnement de la loi sur l’enrichissement illicite. La deuxième mise en demeure était obligatoire. Parce que quand il n’y a pas mise en demeure, on ne peut pas parler d’enrichissement illicite. C’est la raison pour laquelle lorsque l’on a découvert des sommes d’argent après la première mise en demeure pour inculper Karim Wade, la cour était obligée de le mettre en demeure. C’est cela qui a motivé la deuxième mise en demeure et qui fait courir une autre durée de 6 mois.
Est-ce que vous savez qu’en droit en commun,  la CREI juge en conformité avec le code de procédure pénale ? Dans le code, en matière de délit de droit commun, en dehors des détournements de deniers publics, si une personne est détenue au delà de 6 mois, elle doit être libérée avant son jugement. C’est l’article 127 bis qui le dit.  Mais cela n’à rien à voir avec son jugement, c’est-à-dire la détention préventive prend fin après six mois.  Mais il arrive que les juges ne voient même pas expirer ses délais de six mois. Cela ne veut pas dire que la procédure est nulle, mais qu’elle doit être libérée. Dans cette affaire, il y a une décision définitive qui ne peut pas être censurée par le groupe de travail, c’est juridiquement impossible. Donc cet avis ne lie pas le Sénégal.

Mais un ministre ne doit-il pas avoir sa liberté de parole ?

Si un ministre veut parler de cela, je pense que ce ministre doit s’entourer de toutes les garanties. J’ai été gêné d’entendre Madame Sidibé dire que le Sénégal doit se conformer aux décisions de l’ONU. Mais l’ONU n’a rien dit. C’est un groupe d’experts qui a rendu un avis. Comment un ministre peut il dire des choses pareilles? Je n’ai pas compris et personne n’a compris. Et c’est la raison pour laquelle si le Président de la République a pris une décision pareille c’est parce que la sortie était très troublante.

N’avez-vous pas été gêné aussi par la façon avec laquelle le ministre conseiller a été démis de ses fonctions. Elle dit l’avoir entendu à la radio ?

Le Directeur de cabinet a dit qu’elle a été convoquée pour se voir notifier la mesure. Elle n’a pas déféré a la convocation. Alors, ce n’est pas parce qu’elle n’a pas déféré a la convocation que la mesure ne peut pas être prise. C’est différent. Les formes ont été respectées, mais elle n’a pas collaboré au respect des formes. C’est la raison pour laquelle elle n’a pas eu le temps de se voir notifier la mesure. Et elle dit qu’elle l’a apprise à travers la presse. Mais le service de la Présidence dit aussi autre chose.

Me El Hadj Diouf a demandé aussi la libération de Karim Wade. Un avocat de l’Etat de surcroît…

Il a dit qu’il faut gracier Karim Wade. Ce n’est pas une libération comme ça. Gracier ne veut pas dire que ce qu’on lui reproche n’est pas avéré. C’est juste qu’il reconnait ce qu’il a fait et demande pardon au Président de la République qui est en droit de gracier tout citoyen. C’est cela la grâce. S’il la demande, il peut l’obtenir. Mais je ne sais pas…., c’est son droit de demander la grâce. Tout citoyen sénégalais peut le faire. Et ce sera au Président d’accepter de le gracier ou pas, mais c’est une prérogative constitutionnelle du Chef de l’Etat.

Les avocats de Karim Wade ont indiqué que leur client allait déposer une plainte au parquet de Paris pour détention arbitraire. Que vous inspire cette plainte ?

Beaucoup de choses. D’abord les masques sont tombés parce que tout au début on a assisté à une telle farce au niveau de ces gens là. On a dit que Karim Wade était un prisonnier politique. Que Macky Sall avait peur de Karim Wade et c’est pour cela qu’il l’a fait incarcérer. J’ai dit qu’il ne pouvait en être ainsi, parce que déjà au niveau constitutionnel, c’est son père qui a ajouté dans la constitution de 2001, dans l’article 27 de la constitution, l’adverbe « exclusivement ». « Il faut être exclusivement de nationalité sénégalaise pour prétendre être candidat à l’élection présidentielle.» Je leur ai dit que Karim est un double national. Donc il est exclu de la Présidentielle.
Aujourd’hui lui-même vient de nous dire qu’il n’est pas prisonnier politique, parce qu’il a fini de nous montrer qu’il est français et qu’il a revendiqué sa nationalité. Et pourtant tout au long de cette affaire pour tromper tout le monde il a dit « je me prévaux de ma nationalité sénégalaise ». De l’instruction jusqu’à l’audience, parce qu’il y avait une meute de militants qui était là et il se devait de leur lancer un signal. Aujourd’hui il a jeté le masque, il vient de démontrer qu’il n’a jamais eu ces ambitions là, mais on l’avait utilisé pour faire de la politique.
Aujourd’hui il a compris qu’on l’a trop utilisé, il a pris son propre chemin avec son père, parce que ces derniers temps ils n’ont pas cessé de recevoir d’autres personnes en dehors du PDS. Et cela a provoqué des grincements de dents, parce que le PDS ne conduisait plus sur la route qui était emprunté par Karim Wade et son père. Ce qui fait qu’aujourd’hui ils sont étonnés et ne savent plus où ils vont. Et c’est cela la situation du PDS. Dès le début s’ils avaient refusé de participer à cette farce là en sachant que Karim Wade ne peut pas être candidat juridiquement, ils ne seraient pas arrivé là.
Et ils sont complètement perdus parce que Karim Wade vient de leur dire je suis français. Et cette attitude de Karim Wade montre qu’il n’attend rien de cette affaire. Parce que c’est irrecevable et on va le démontrer. Mais je pense que c’est un appel du pied à ses parents français pour leur dire « je suis citoyen français, votre citoyen. Je suis en train d’être persécuté par un peuple étranger. Je pense qu’il veut faire entrer la France dans la danse. C’est ma conviction. Et c’est quand même curieux d’entendre dire que Karim Wade et son père sont français. Si c’est vrai qu’ils le sont, mais imaginez vous, on a été dirigé pendant 12 ans par un français, un étranger et celui là même qui a mis dans la constitution qu’il faut être exclusivement sénégalais; si c’est vrai, c’est grave! Et ce que l’on retient de tout cela, c’est que Karim Wade qui a acquis la nationalité sénégalaise et qui est né français, a toujours dit je me prévaux de cette nationalité qu’il a acquise en 2002. Cela signifie une chose : si son père n’était pas Président de la République, il ne serait jamais devenu citoyen sénégalais. C’est parce qu’il a des ambitions qu’il est parti acquérir cette nationalité pour nous diriger, ce n’est pas acceptable, ce n’est même pas sérieux pour un sénégalais de soutenir cela. Nous, on se sent sénégalais, on est né sénégalais, nous le sommes restés, alors il faut laisser les gens qui s’estiment sénégalais diriger ce pays, pas des gens qui ont acquis la nationalité juste pour nous diriger après avoir vécu exclusivement avec la nationalité française toute leur existence. Je pense que cela fait désordre.

La traque des biens mal acquis semble s’estomper. Mme Awa N’diaye visée par des rapports d’audit vient d’être promue à un poste de responsabilité et tant d’autres. Cette traque n’était elle pas ciblée ?

Je ne pense pas qu’elle soit ciblée. Peut être que Karim Wade a eu le pouvoir de beaucoup médiatiser son affaire. Il voulait que l’on parle de lui et il a mis en place une équipe. Un cabinet de communication pour que l’on parle beaucoup de lui. Cela ne signifie pas qu’il ait été ciblé d’autant plus que Tahibou N’diaye a été jugé et il n’était même pas politique. Nous sommes tous pour que cette traque continue parce qu’il faut que des gens après avoir géré des deniers publics, expliquent comment ils l’on fait. Parce que ce n’est pas de l’argent qui leur appartient. Mais il ne faut pas faire d’amalgame. Dire qu’Awa N’diaye a été nommée quelque part, cela signifie pas la fin de la traque des biens mal acquis. Je pense qu’elle a fait l’objet d’une information devant une autre juridiction qui n’est pas la CREI et qu’il y a eu des décisions qui ont été rendues.  Épinglée par un rapport d’audit n’a rien à voir avec la CREI, c’est deux choses différentes. La justice fera son travail, le Président de la République a dit que même ceux qui sont avec lui, il ne les protégera pas. C’est la raison pour laquelle il a mis en place des mécanismes qui permettent de contrôler les biens de tous ceux qui travaillent avec lui par l’OFNAC…. Et il a été clair en disant que je ne mets pas ces instruments pour ceux qui sont partis, mais pour ceux qui sont avec moi. Cela est clair et révélateur. Il a encore institué la déclaration de patrimoine obligatoire. Cela veut dire que le principe de transparence est définitivement instauré dans le dispositif institutionnel de notre pays. Parce qu’en prenant fonction, on connait l’état de votre patrimoine, en sortant on le connait aussi.

Me sur la réforme du projet de constitution et la décision du Président d’écourter son mandat. Quelle analyse en faites-vous ?

Cette décision signifie que c’est un homme d’état et de parole. C’était difficile de respecter cela parce que l’on a aussi des partisans dont certains ne sont pas d’accord. Mais comme c’est un homme de parole, il se doit de respecter cette parole. C’est la première fois qu’un Président dit je vais écourter le mandat et me le faire appliquer.
Cela est à son honneur, il faut applaudir. C’est la raison pour laquelle on ne comprend plus certains. La société civile même devrait applaudir au lieu de critiquer. Au lieu de suivre les politiques, parce que c’est un signe de bonne gouvernance, le respect de la parole donnée. Contrairement à ce qu’on nous avait dit en 2012 « ma wakhone waxeet ». Ce concept là nous avait tellement fait peur, maintenant si on a un Président qui dit autre chose, on devrait tout simplement l’applaudir.

Le maire de Dakar Khalifa Sall et le ministre du renouveau urbain se chamaillent pour l’aménagement de la place de l’indépendance. Selon vous où se situe la vérité ?

Vous savez, il me sera difficile de dire tel a raison et l’autre a tort. La place de l’indépendance c’est un symbole, on ne peut pas se dire tout simplement que c’est dans le périmètre de Dakar que l’on a l’exclusivité de nous occuper de cette place. C’est un symbole de l’indépendance du Sénégal. C’est la raison pour laquelle cette place a un statut particulier et si l’Etat veut faire des travaux sur cette place, c’est tout à fait normal parce que cette place constitue un symbole national, pas régional, pas d’une ville. Et je suis étonné de voir les maires de Dakar stigmatiser ceux qui viennent de l’intérieur du pays. Çà fait désordre. J’ai écouté un maire stigmatiser le Directeur de cabinet du Président de la République en disant que c’est parce qu’il vient de Thiadiaye qu’il est complexé. J’ai écouté un autre maire parlant de Diène Farba lui rappelant ses origines rurales. Comment des élus peuvent ils avoir ces attitudes là, stigmatiser des sénégalais parce que tout simplement ils ne sont pas nés à Dakar. C’est grave! Cela signifie que ces gens là n’ont pas de respect pour les autres, n’en n’ont pas pour la République. Cette dernière est sacrée. Il faut la respecter et ces gens ont manqué de respect à la République, ce n’est pas comme ça que l’on prépare des campagnes présidentielles, c’est plus sérieux que cela. S’ils pensent qu’il faut bomber le torse parce qu’ils sont Dakarois, c’est comme cela qu’ils veulent conquérir le suffrage des sénégalais, ils se trompent. Parce qu’à Dakar quand même, beaucoup viennent de l’intérieur du pays et votent à Dakar. Il faut qu’ils le sachent…

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