Maïmouna Sao, ex-épouse du guide des thiantacounes : «Béthio et moi»
Après les fleurs, les pics. Sokhna Maïmouna Sao-Béthio Thioune, c’est l’histoire d’une talibé et d’un Cheikh qui ont fini par unir leur vie. Au bout de quelques années de mariage, c’est la naissance d’un garçon et aussi le début des ennuis. L’idylle vire à l’affrontement.
Aujourd’hui, Maïmouna Sao, 32 ans, a un goût de cendres dans la bouche. Trouvée dans un quartier de Mbour, l’ex-cinquième épouse du guide des thiantacounes, Cheikh Béthio Thioune, qui a accordé une interview au journal Le Quotidien, évoque avec douleur le divorce entre le Cheikh et elle. En 2011, le juge a ordonné à Béthio Thioune à verser une pension de 50 mille F Cfa à leur fils, âgé maintenant de 4 ans, et à les laisser dans le domicile qu’ils occupaient à Touba.
Mais le Cheikh, selon elle, n’a jamais honoré ses engagements. L’année dernière, elle a été expulsée de la maison de Béthio qu’elle occupait à Touba pour consommation d’alcool. Complot, crie-t-elle. Face à cette situation, elle a décidé de jeter toutes ses forces dans cette bataille pour que la loi soit appliquée dans
toute sa rigueur.
Vous avez été épouse de Cheikh Béthio Thioune. Comment avez-vous connu le guide des thiantacounes ?
J’étais son talibé. Je ne me rappelle plus la date de mon adhésion au sein des thiantacounes, mais c’est avant 2000. J’ai longtemps cheminé avec lui au point de devenir une diawrigne. C’est par la suite, en 2004 précisément, qu’il a demandé ma main et j’ai accepté de devenir sa femme.
Vous avez accepté d’être sa femme. Comment s’est passé le mariage ?
Très bien ! Comme tous les autres mariages, j’ai un certificat de mariage qui me donne aussi des droits. Il a beaucoup fait pour moi, je connais beaucoup de choses de lui. Nous avons un enfant. Je crois que c’est le dernier qu’il a eu. Il a 3 ans et est né à Bordeaux en France.
Vous n’êtes plus sa femme. Qu’est-ce qui est à l’origine de votre divorce ?
Hum ! Le divorce entre lui et moi ? Personne ne peut l’expliquer. Je ne sais pas, lui-même n’est pas en mesure de dire ce que j’ai fait. Même si je mets tout sur la volonté divine.
Vous avez été épouse de Cheikh Béthio Thioune. Comment avez-vous connu le guide des thiantacounes ?
J’étais son talibé. Je ne me rappelle plus la date de mon adhésion au sein des thiantacounes, mais c’est avant 2000. J’ai longtemps cheminé avec lui au point de devenir une diawrigne. C’est par la suite, en 2004 précisément, qu’il a demandé ma main et j’ai accepté de devenir sa femme.
Vous avez accepté d’être sa femme. Comment s’est passé le mariage ?
Très bien ! Comme tous les autres mariages, j’ai un certificat de mariage qui me donne aussi des droits. Il a beaucoup fait pour moi, je connais beaucoup de choses de lui. Nous avons un enfant. Je crois que c’est le dernier qu’il a eu. Il a 3 ans et est né à Bordeaux en France.
Vous n’êtes plus sa femme. Qu’est-ce qui est à l’origine de votre divorce ?
Hum ! Le divorce entre lui et moi ? Personne ne peut l’expliquer. Je ne sais pas, lui-même n’est pas en mesure de dire ce que j’ai fait. Même si je mets tout sur la volonté divine.
Au fait, il n’a pas manqué de porter certains griefs contre vous quand même. Il y a forcément une raison ?
Nous en avons déjà discuté. Les arguments qu’il a avancés dans la presse ne tiennent pas la route (il avait soutenu qu’elle consommait de l’alcool). Si c’était réellement cela, il y en a parmi ses femmes qu’il aurait dû laisser depuis longtemps et elles sont toujours là-bas. Pour ne pas être longue, je sais que notre divorce n’a rien à voir avec ce qu’il a évoqué dans la presse (il l’a accusée d’être une alcoolique).
Mais vous semblez ne pas vouloir parler des accusations de Cheikh Béthio contre votre personne. Pourquoi ?
Il m’accuse de boire de l’alcool. Vous savez, c’est des arguments qu’il a voulu utiliser contre moi dans le dossier du Tribunal. Et vous savez que cela n’a pas abouti.
Vous n’avez jamais touché à l’alcool ni fumer ?
Je ne refuse pas de répondre à votre question, mais ce n’est pas l’objet de notre interview. C’est une autre histoire et j’en ai déjà parlé.
Alors, comment avez-vous appris la nouvelle de votre divorce ?
On était au mois de novembre 2011. Il était aux Etats-Unis et m’a appelée au téléphone pour me dire qu’il m’a répudiée. J’ai pris la nouvelle avec philosophie et au vu de la façon dont il a procédé, je m’étais dit que rien venant de lui ne m’intéresserait parce qu’il s’est mal comporté avec moi. C’est mon frère qui était dans la maison qu’il m’avait offerte à Touba qui m’a appelée pour me dire que ses talibés étaient dans la maison et sont en train de semer le désordre en jetant me bagages dehors. J’ai dit à mon frère de ne rien faire et que j’arrivais. Cheikh Béthio pensait que j’étais venue dans cette maison pour y habiter. C’est pourquoi il a demandé à ses talibés de tout faire pour que je n’y entre pas. Finalement, il y a eu une bagarre. Et mon frère qui était dans la maison a été battu et ligoté par ses talibés. Ces derniers ne sont personne d’autre que ses talibés qui croupissent à la prison de Thiès suite aux événements que vous savez (double meurtre de Médinatoul Salam et qui a valu à Béthio d’être placé sous mandat de dépôt avant de bénéficier d’une liberté provisoire). Vu la gravité de la situation, j’ai demandé à mon frère de sortir de la maison.
Au moment du divorce, vous viviez dans quelle maison ?
Les femmes de Cheikh Béthio se déplacent beaucoup. Que ce soit à Dakar, Mbour et Touba, là où elles vont il y a une maison mise à leur disposition avec leur famille. Mais pour la maison de Touba qui est à Djanatou, il me l’avait offerte devant des témoins. C’est la différence avec les autres maisons de Cheikh Béthio.
Après l’annonce du divorce, qu’est-ce qui s’est passé pour que le Tribunal se saisisse de l’affaire ?
Après le divorce ? Il est resté un an voire deux parce qu’entre-temps il y avait les problèmes de Médinatoul Salam. Certainement après le calme, il m’a appelée au téléphone pour me dire qu’il voulait que je lui donne l’enfant et également que je retourne à la maison qui est à Touba parce qu’il l’a donnée à mon fils. Croyant qu’il était sincère, j’ai déménagé de Dakar pour rejoindre la maison à Touba. Ma mère ne voulait pas me suivre parce qu’elle avait des doutes sur la sincérité du don. Je suis partie avec mon frère et mon fils. Un mois après, il m’a encore demandé de lui donner l’enfant parce qu’il voulait l’éduquer. Alors, je lui ai dit que l’enfant était trop petit, il n’avait que deux ans. Je lui ai aussi dit que je ne refuse pas qu’il le garde parce qu’il est son père, mais ce n’était pas possible parce qu’il est trop fragile. Et je lui ai demandé de lui laisser encore un peu de temps. Une proposition qu’il n’a pas du tout appréciée allant même jusqu’à me menacer de prendre des dispositions si je ne reviens pas sur ma décision. Je lui ai dit que je l’attendais de pied ferme, car j’ai un certificat de mariage et il a sorti cet enfant de chez lui alors qu’il n’avait que 8 mois. Une semaine après, il m’a envoyé un avocat, Me Babou, pour que signe le certificat de divorce à l’amiable. Ce que j’ai refusé.
Pourquoi avez-vous refusé de signer le certificat de divorce d’autant plus que vous avez dit avoir pris la décision avec philosophie ?
Tout simplement parce que je n’ai jamais posé de conditions. Ma famille lui a dit que notre fille peut signer le certificat sans condition, mais il faut que Cheikh Béthio me donne une maison où habiter et qu’il prenne en charge son fils. Je lui ai dit si tu le fais, je signe le certificat et tout ira au mieux. Evidement, une proposition qu’il n’a pas acceptée. Une semaine après, à la place d’une réponse, il m’a servi une convocation au Tribunal départemental de Mbacké. Je suis allée répondre à cette convocation et je l’ai trouvé là-bas, mais je tiens à déplorer le déroulement de cette séance, car la justice a un mode de fonctionnement. Pour un premier face-à-face entre époux en instance de divorce, c’est une phase de conciliation avant de fixer un autre rendez-vous. Mais cela ne s’est pas passé comme de la sorte. Il est venu avec son avocat qui a fait une plaidoirie et le juge m’a demandé de lui donner son enfant dès le lendemain et de quitter son domicile. Au lendemain de cette décision, j’ai fait une sortie dans la presse. Sentant certainement qu’il n’a pas bien agi, je ne l’ai pas vu le lendemain. Il n’est pas passé à l’acte.
Si le Tribunal a tranché, pourquoi résistez-vous ?
Non, je ne résiste pas. Je veux faire valoir mes droits. Avec le soutien d’une association, j’ai interjeté appel et nous avons été convoqués de nouveau devant le Tribunal de Diourbel. J’ai réitéré la même proposition, à savoir garder l’enfant et rester dans la maison. Le juge qui a rendu son délibéré l’a condamné à nourrir l’enfant et également de me laisser dans la maison jusqu’à ce que le divorce soit prononcé. Une décision qu’il n’a toujours pas respectée. Non seulement il est parvenu à nous faire sortir de cette maison, mais n’a versé aucun rond pour nourrir son fils.
Mais comment cela a-t-il pu arriver ?
Avant que je ne sorte de cette maison qui est d’une superficie de 2 000 m2, il m’a fait voir de toutes les couleurs. Il a coupé l’électricité et l’eau et je sortais dans la rue pour chercher de l’eau. Il a envoyé ses talibés fermer avec des briques les deux portes qui mènent à la cour principale. Je suis restée coincée dans une partie où il n’y avait que des chambres. Malgré cette situation, je suis restée jusqu’au magal (C’était en 2014). Et tous mes hôtes ont vu la situation et personne parmi eux n’a goûté aux délices des mets préparés lors de ce magal. Je suis sortie de cette maison à cause d’un hôte que j’ai eu durant le magal. Certes, nous nous sommes connus depuis quelques années. Il m’avait appelée pour me dire que cette année il serait mon hôte, ce que j’ai accepté. Il est resté après le magal, tout le monde était parti et l’avait laissé à la maison. Et je ne pouvais pas lui demander de partir. Un jour vers 20h, alors qu’il était dehors avec une tante qu’il avait emmenée avec lui, des gens se sont présentés à moi pour dire qu’ils étaient venus de la part de Safinatou Amane (une structure qui veille sur le respect des règles morales et éthiques à Touba). Ils sont entrés dans la maison et ont commencé à fouiller ma chambre. Ils m’ont séquestrée et ont demandé à mon hôte les raisons de sa présence. Et lorsqu’ils ont fouillé la chambre de mon hôte, ils ont trouvé des sachets d’alcool déjà utilisés et de cigarettes sous le matelas. Ils m’ont demandé ce que faisaient ces objets dans la chambre. Je leur ai dit de demander à mon hôte.
Interrogé, ce dernier a dit à ces gens que c’était pour moi. Je lui ai dit que je laisse ces accusations entre les mains de Dieu. Entre-temps, ils ont emmené un journaliste qui est d’abord passé par la résidence de Cheikh Béthio à Djanatou et a commencé à me filmer. Ils ont menotté mon hôte et menacé de m’emmener à la police. En réalité, ils voulaient partir avec l’enfant, mais j’ai refusé cela en leur disant qu’avant de partir d’ici, il faudra que j’appelle mon frère qui va prendre l’enfant avec lui. Ils ont laissé tomber en me disant qu’ils allaient emmener mon hôte à la police. Ce qu’ils n’ont jamais fait. Ils ont sorti mes bagages et fermé la maison et ont dit qu’ils vont donner les clés à Moussa Niang qui était le chambellan de Serigne Saliou. Puisque je n’étais plus en sécurité là-bas, il fallait que je parte. Je n’ai plus revu mon hôte qui n’a jamais mis les pieds à la police. Ils sont allés directement chez Cheikh Béthio avec lui. C’est par la suite que j’ai compris que c’était un coup monté pour me faire sortir de la maison.
Depuis lors, c’est le statu quo… Est-ce que vous êtes entrée en contact avec Cheikh Béthio ?
Non ! Depuis lors, le fil du dialogue a été rompu. Depuis plus de deux ans, il n’a rien donné à son fils. Et puisqu’il ne cherche pas à savoir comment va son fils, ce n’est pas moi qui vais essayer de lui parler de sa situation. Mais je crois qu’il n’a plu d’alibi, car il disait que s’il n’a pas versé l’argent c’est dû au fait que je ne dispose pas de compte en banque. Alors que le compte est là et existe bel et bien. Même si j’étais sa femme, il a beaucoup fait pour moi, il connaît des choses sur moi. Egalement, j’ai beaucoup fait pour lui et je connais beaucoup de choses sur lui. Si je ne me trompe pas, c’est le dernier fils de Cheikh Béthio et il est né à Bordeaux. Mais si un responsable comme lui ne pense pas à son fils, je pense qu’il y a une raison. Peut-être que cela est dû à la jalousie de ses femmes. J’ai été sa femme et je sais comment il fonctionne. C’est sûr que je gênais mes coépouses. Peut-être que les comportements ne sont pas les mêmes parce que je n’ai pas été éduquée pour avaler des couleuvres. Je ne suis pas du genre à accepter tout. Si tu es soumise à cela, c’est difficile de ne pas résister.
Etes-vous toujours une disciple de Cheikh Béthio ?
Moi ? Non, je ne le suis plus et je le lui ai dit de vive voix, en face d’ailleurs, parce qu’on n’a jamais vu dans le mouridisme un Serigne amener son talibé au Tribunal. Et il l’a fait. Je ne lui ai rien refusé dans notre intimité, mais le mariage, vous savez, c’est entre deux personnes. Si tu y mêles des coépouses ou des gens qui ne sont pas concernés, cela devient un problème et c’est en partie une des causes du problème. Parmi ses ex-épouses, d’autres sont parties parce qu’elles ont vécu la même situation.
Qu’est-ce que cela vous fait de voir Cheikh Béthio débourser beaucoup d’argent pour organiser le magal et qu’à côté vous ne puissiez recevoir aucun sous venant de lui ?
J’ai honte (elle se répète). Ce n’est pas un comportement responsable parce que donner à manger à des gens alors que tu ne peux même pas le faire pour ton fils, tu ne sais même pas s’il a mangé ou bien dormi, c’est vraiment une honte. Quelle que soit la situation, il ne devait pas en arriver là. Rompre avec une femme et en vouloir à son enfant, c’est grave. Aujourd’hui, je sollicite un soutien pour que cette décision du Tribunal soit exécutée parce que le droit a été déjà dit en appel.
Vous ne cessez d’attaquer Cheikh Béthio. Est-ce que vous n’avez pas peur de représailles ?
Non ! Je n’ai pas du tout peur de représailles. Je suis avec Serigne Saliou et Cheikh Béthio sait que si quelque chose m’arrivait, c’est à lui, en premier, qu’on allait demander des comptes.
Vous semblez ne pas clore le débat. Jusqu’où êtes-vous prête à aller ?
Certes je garde le silence, mais je suis loin de baisser les armes, car le problème ce n’est pas entre lui et moi, mais plutôt notre fils. Si ce n’était pas lui, j’aurais oublié Cheikh Béthio depuis. J’utiliserai toutes mes forces pour que mon fils soit respecté. D’ailleurs, je profite de cette interview que vous m’avez accordée pour dire à son entourage, qui lors de ma sortie dans la presse a mis un film dans le net pour dire que c’est l’arrestation de Sokhna Maï, que je n’écarte pas de porter plainte contre le site qui a diffusé la vidéo. Ensuite, je leur dit que j’ai une vidéo sur Serigne Béthio plus compromettante et je connais des choses sur lui qui sont d’une gravité extrême. Et je n’hésiterai pas à le faire s’ils continuent à s’entêter.