Entretien avec… Cheikh Seck, député socialiste : «Khalifa Sall peut être exclu du Ps…»

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Khalifa Sall exclu du Parti socialiste ? Si une telle éventualité est impossible aux yeux de certains, tel n’est pas le cas chez le député socialiste Cheikh Seck. Le maire de Ndindi reproche au maire de Dakar d’être derrière la multiplication des mouvements de soutien à sa
candidature à la prochaine Présidentielle. Par conséquent, il appelle la Commission de discipline  du Ps à s’autosaisir pour «arrêter» Khalifa Sall, quitte à prononcer son «exclusion». Dans cet entretien réalisé, le point focal des députés socialistes tranche pour Modou Diagne Fada dans la bataille que mène ce dernier contre ses «frères» libéraux qui, selon lui, «n’ont pas respecté les procédures».

Quelle lecture faites-vous de la décision du bureau de l’Assemblée nationale tranchant en faveur de Modou Diagne Fada sur la question du groupe parlementaire du Pds ?
Je n’ai pas encore la décision officielle. Mais au vu de notre Règlement intérieur, cette décision ne me surprend pas parce que si on applique les textes, il y a l’un qui s’appuie sur l’article 20 et l’autre sur l’article 22. Aujourd’hui pour former un nouveau groupe, il faut 15 députés. Donc, Aïda Mbodj doit avoir 15 députés alors que Modou Diagne Fada n’a besoin que de 10 pour former un groupe parlementaire.
Il veut rempiler parce qu’il avait déjà un groupe. C’est la raison pour laquelle nous avons voté pour Moustapha Niasse, alors que le texte l’avait déjà mis à 5 ans. Il fallait franchir cette étape pour que cette proposition de loi, qui a été promulguée, entre en vigueur. La deuxième chose est que les députés qui sont membres du groupe de Fada n’ont pas encore présenté à l’Assemblée nationale une démission, parce que celle-ci obéit à des règles et principes fixés par le Règlement intérieur. Par conséquent, il y a des députés qui sont sur la liste de Fada et sur celle de Aïda Mbodj. Troisièmement, il faut déposer le groupe parlementaire à temps. Donc, il y a tout un ensemble de facteurs qui font que si l’on analyse en s’appuyant sur le Règlement intérieur, Fada peut
avoir raison sur la liste déposée par Oumar Sarr. Maintenant, je ne sais pas quel arbitrage a été fait et quels sont les principes et textes qui ont été évoqués par le bureau de l’Assemblée nationale parce que je n’en suis pas membre. Je suis président de commission.

Le bureau s’est appuyé sur l’article 22 qui dispose que toute modification d’un groupe parlementaire doit passer par le président dudit groupe. Est-ce que Oumar Sarr et Cie n’ont pas péché sur ce point ?
Oumar Sarr et Aïda Mbodj n’ont pas respecté la procédure. L’Assemblée nationale est une institution. Vous êtes proposés par un parti lors des élections. Mais lorsque vous êtes élus, vous devenez un représentant du Peuple sénégalais parce que c’est un suffrage universel direct. On ne peut pas continuer à évoquer le sceau d’un quelconque parti. L’apparentement à un groupe est bien défini par nos textes. Si la procédure est violée, cela pose problème.
L’autre chose est que le groupe de Oumar Sarr n’a pas suivi à la lettre les dispositions de l’article 22. En plus, les deux groupes portent le même nom de Libéraux et démocrates. Dans ce cas de figure, on cherche l’antériorité. Ce qui est favorable à Fada parce que son groupe existe depuis l’installation de cette Législature. Si on doit accepter l’autre groupe, il faut lui trouver un autre nom. Et les délais pour trouver une autre appellation sont dépassés. Oumar Sarr et Aïda Mbodj sont des cadres. Donc, le fait qu’ils se trompent de la sorte me paraît inacceptable.

Les Libéraux reprochent à la majorité de favoriser Fada dans cette bataille interne du Pds. En avez-vous l’impression ?
Une bataille entre les éléments d’un même parti, je ne vois pas quel jeu devrait jouer le pouvoir.

Ils ont déjà accusé Fada d’être en «accointance» avec le pouvoir ?
Qui veut tuer son chien l’accuse de rage. Maintenant qu’ils savent qu’ils ont péché sur la procédure, ils cherchent des alibis. Fada a minutieusement respecté la procédure. Fada est un opposant, un homme qui est mature. Il connaît bien les procédures parlementaires. Il s’est levé très tôt, car il savait déjà compte tenu de son comportement de dissidence au sein de son parti qu’il allait subir une tentative de liquidation. Il s’est préparé. Le groupe de Oumar Sarr et Aïda Mbodj a attendu le dernier moment pour concocter quelque chose tout en violant complètement les procédures.

En tout cas, Oumar Sarr et Cie ont traduit Fada et son groupe devant la Commission de discipline du Pds. Est-ce qu’une exclusion au sein de son parti peut conduire le député à perdre son mandat ?
Les règles parlent de démission. Si un député démissionne de son parti ou de la coalition qui l’a élu, il perd son mandat. C’est en mettant des garde-fous qu’on n’a pas parlé d’exclusion. Sinon, à tout moment où tu n’es plus dans les grâces du leader, il peut t’exclure et prendre son mandat. C’est trop facile. Donc si Fada et ses proches ne démissionnent pas du Pds, ils garderont leur mandat jusqu’à la fin de la Législature même en cas d’exclusion au sein de leur parti.

L’argument brandi par le Pds est que Fada avait la confiance de Wade au moment d’être président du groupe. Aujourd’hui, il ne l’a plus, il doit céder sa place. Ce raisonnement peut-il prospérer ?
Absolument pas ! Ce n’est pas fondé. Wade n’a rien à voir avec notre Assemblée. Les députés peuvent créer des groupes parlementaires,
mais vouloir recevoir des directives de Wade, c’est dépassé. Ce n’est pas respecter l’institution que nous incarnons, qui se trouve être la deuxième du pays.

Mais on sait que les députés agissent sous les ordres des états-majors de partis politiques…
Je suis d’accord, quelque part. Mais il ne faut pas tout lier. Ici, on prend des décisions et après on rend compte à nos partis. Il arrive qu’une situation se présente et que nous, députés, prenions nos responsabilités. On ne peut pas toujours attendre la décision de l’état-major. Le Pds doit cesser d’être administré à partir de Point E ou de la France.

On a l’impression que la majorité a peur que l’opposition parlementaire s’unisse. On se rappelle le recrutement de certains députés de Rewmi en 2013 par Benno bokk yaakaar. L’année dernière, il y avait Oumar Sarr de Rewmi qui a dit qu’il va soutenir Macky Sall. Cette année, c’est Fada et Aïda Mbodj. Pourtant, les tentatives existent de la part de l’opposition ?
Ils ont mal tenté. Quand on veut créer des groupes, il faut être minutieux du point de vue des textes avec le Règlement intérieur et la Constitution de notre pays. En 2013, Rewmi ne maîtrisait pas ses hommes. Dans la liste qui avait été donnée, deux députés, à savoir Madjiguène Fall et Mariama
Diallo, ont dit en pleine salle qu’elles n’appartenaient plus à ce groupe.

Il y avait une main de la majorité…
C’est inévitable parce qu’ils cherchent à nous affaiblir, nous aussi on va vouloir les déstabiliser.

Le Sénégal est en deuil avec 61 de ses fils qui ont perdu la vie à Mina lors du pèlerinage à la Mecque. Quelle est la responsabilité de l’Etat dans ce drame ?
Je voudrais m’incliner devant la mémoire de ces Sénégalais qui ont perdu la vie à Mina. Que Dieu les accueille dans son Paradis ! Nous en avons l’espoir parce que lorsqu’on va à la Mecque, c’est pour se départir de ses péchés. Toutefois, il n’y a aucune responsabilité de l’Etat dans cette affaire pour la seule et simple raison que c’est des pèlerins qui sont partis librement. A mon avis, il faut réorganiser le pèlerinage. Je suis contre quelqu’un qui va au pèlerinage 20 fois. C’est du folklorisme. Il faut un ordre de priorité c’est-à-dire favoriser ceux qui n’y sont jamais allés. Ensuite, ceux qui y sont allés deux ou trois fois. Mais aller 20 ou 30 fois à la Mecque, pour moi, cela n’a pas de sens. En plus, il faut s’appuyer sur nos ressources humaines qui sont là-bas. Les étudiants qui sont en Arabie Saoudite, il faut les mettre dans l’équipe de coordination. Pour moi, on n’a pas besoin d’un Commissariat au pèlerinage à la Mecque. La mission diplomatique et les étudiants doivent être accompagnés par une légère équipe de coordination qui partira d’ici. Ces entités peuvent faire le travail.

Sur ce drame, le Pds a exigé la démission du gouvernement…
Ce qu’on peut reprocher au gouvernement, c’est de parler de façon évolutive sur le nombre de morts. Mais sur cette question, le gouvernement
a une responsabilité juridique qui lui exige d’opérer de la sorte. On ne peut pas traiter quelqu’un de mort lorsqu’on ne l’a pas vu. Il y avait des disparus. Donc, le gouvernement devait s’assurer de leur situation avant de parler de mort. C’est pourquoi le nombre de décès augmentait de jour en jour.
Le Pds doit se taire. Le naufrage du bateau Le Joola avec quelque 2 000 morts est frais dans nos mémoires. Le régime de Wade était à l’époque alerté sur la défectuosité d’un moteur qui devait coûter 250 millions de francs Cfa. Là par contre, il y avait la responsabilité directe du gouvernement.
Le régime n’avait rien fait. Le bateau n’a pas été renfloué, les victimes continuent de courir après leur indemnisation. Donc pour ce cas d’espèce, le Pds doit se taire, car la parole ne lui est pas permise.

Le Ps s’est renforcé avec 80 nouveaux cadres samedi dernier. Est-ce à dire que le processus de reconquérir le pouvoir est en marche ?
Tout parti a l’objectif de conquérir le pouvoir. Mais là où je suis, j’occupe une parcelle du pouvoir. Etre au pouvoir ne veut pas simplement dire occuper la fonction de président de la République. Bien sûr, tout parti voudrait occuper le Palais. Si on n’est pas Président, on peut être autre chose au sein du pouvoir. Comme je l’avais dit, nous serons dans ce pays le roi ou le faiseur du roi. C’est indéniable.

Le maire de Dalifort, Idrissa Diallo, a créé un mouvement dénommé «Khalifa Président». Quelle appréciation faites-vous de ces soutiens pour promouvoir la candidature du maire de Dakar à la Présidentielle ?
J’attends la réaction de Khalifa Sall. C’est lui-même qui a dit qu’il n’a mandaté aucune personne. Pourtant, les gens continuent à parler. Soit ce qu’il dit n’est pas fondé, soit ses souteneurs ne le respectent pas. Ce qui est important, c’est qu’un président ne se décrète pas. Cela se conquiert par un long processus. Khalifa Sall doit arrêter ces gens qui se réclament de lui. Il doit se conformer au parti qui ne s’est pas encore décidé sur cette question. Et cela me surprend, car Khalifa a toujours été contre les mouvements de soutien. Aujourd’hui, il est le seul dans ce parti qui fait l’objet de mouvement de soutien. A mon avis, le parti doit prendre ses responsabilités. On ne peut pas se réclamer d’un parti et y créer des dissidences.

Est-ce qu’on peut s’attendre à ce qu’il soit exclu du Ps ?
Absolument ! Nous avons une Commission de discipline dans notre parti. Elle doit s’autosaisir. Elle doit d’abord demander à Khalifa de régler cette question en tant que responsable de la Vie politique du parti. Si Khalifa ne la règle pas, le Ps peut à travers le Secrétariat exécutif national ou le Bureau politique demander à la Commission de discipline de s’autosaisir de ce dossier. Elle va entendre les mis en cause, y compris Khalifa Sall. Ensuite, elle peut prendre une décision qui pourrait être une exclusion de Khalifa et sa bande. Nous ne pouvons pas accepter que notre parti soit négativement impacté par des actes irresponsables posés par certains.

bgdiop@lequotidien.sn

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