Cour d’appel : Les derniers moments de liberté de Taïb Socé
En venant à la Cour d’appel de Dakar ce lundi, le prêcheur du groupe Futurs Médias, Taïb Socé, ignorait qu’il allait passer la nuit à la prison de Rebeuss.
Avant l’ouverture de l’audience, il est arrivé au palais de justice “Lat Dior”, à bord de son véhicule garé dans le parking. Il est habillé d’un ensemble (boubou et pantalon) bleu. Dans la salle d’audience, il est confortablement assis sur une chaise, à côté de sa deuxième épouse qui l’accompagne. Il respire la sérénité, ne se doutant pas qu’il vivait ainsi ses derniers instants de liberté. Du moins, pour quelque temps.
Lorsque le président de la Cour d’appel appelle le dossier qui le concerne, il s’éjecte de sa chaise et s’avance vers le prétoire. Son avocat, Me Bamba Cissé, tarde à arriver. Le prêcheur est seul à la barre, devant un public silencieux et un tribunal composé d’un Président et deux assesseurs impassibles. Le greffier, plumitif d’audience en main, attend le verdict de la cour pour le consigner. L’avocat général, représentant le ministère public, est bien en poste, veillant aux intérêts des populations. Des gardes pénitentiaires sont postés près du box des prévenus. Suspense.
Quelques seconde plus tard, le verdict tombe. Taïb Socé et ses coïnculpés, Cheikh Tidiane Diakhaté et Moussa Touré, sont déclarés coupables d’association de malfaiteurs et d’escroquerie portant sur de l’or. Ils sont condamnés à 5 ans dont 2 avec sursis. Ils doivent payer solidairement la somme de 160 millions au plaignant Mouhamed Bassirou Sall. Le juge ne s’arrête pas en si bon chemin. Il décerne mandat d’arrêt international contre Cheikh Tidiane Diakhaté et Moussa Touré, en fuite, et place Taïb Socé, séance tenante, sous mandat de dépôt.
Le prêcheur est déboussolé. Le regard hagard, il cherche dans la salle son avocat qui tarde à se pointer. Le sol semble se dérober sous ses pieds. Sachant que les carottes sont cuites et que les gardes pénitentiaires s’avancent vers lui pour le conduire dans le box des prévenus, il introduit sa main dans ses poches, sort ses deux portables et les clés de sa voiture qu’il tend à son épouse présente sur les lieux. Une dame qui lance des “wouye sama ndèye” éplorés, ne pouvant plus contenir ses sanglots. “Il n’a pas pris son petit-déjeuner. Il n’a rien mangé depuis ce matin, ne le condamnez pas !”, sanglote-t-elle. Elle est évacuée de la salle, au moment où la Cour suspend l’audience.
La dame n’abandonne pas pour autant, elle revient quelques minutes plus tard avec une tasse de café “Touba” et un morceau de pain emballé dans un papier journal. Taïb Socé est déjà installé dans le box des prévenus, en attendant son acheminement à la cave. Un garde pénitentiaire ‘intercepte l’épouse du prêcheur : “Madame, c’est interdit. Il ne peut pas recevoir de la nourriture dans la salle. Attendez-le à la cave”. “Permettez-lui au moins de boire du café Touba !”, supplie la dame. L’agent de l’administration pénitentiaire reste impassible. La dame sanglote à nouveau. Taïb lui demande de se calmer et de croire en Dieu.
Quelques minutes plus tard, le juge remet à un garde pénitentiaire un document, le mandat de dépôt, qui ouvre les porte de Rebeuss à Taïb Socé. Il est conduit vers une porte dérobée, celle-là qui mène les détenus vers la geôle.