(nterview) Aziz Fall, Directeur de la promotion de l’Aner : «Le pétrole nous coûte 750 milliards par an»
Le Directeur de la promotion et de la coopération de l’Agence nationale des énergies renouvelables (Aner) considère que le Sénégal devra coûte que coûte opérer une transition rapide des énergies fossiles vers les énergies renouvelables pour assurer son indépendance dans ce domaine. Pour cause, notre pays dépense chaque année pas moins de 750 milliards par an. Entretien.
Quel est le but de la tournée nationale sur les énergies renouvelables que vous comptez organiser ?
Cette journée s inscrit dans la mission principale de l Aner qui constitue à faire la promotion des énergies renouvelables dans tous les secteurs d activité y compris la bio énergie. Si la mission principale est centrée autour d un travail de promotion, l information et la communication y occupent une place prépondérante. Et cela nous ne pouvons le faire que si nous créons des conditions de proximité avec la population de manière générale. C est sur cette base là que nous avons élaboré une stratégie de communication étalée sur 3 ans et qui consiste à se rapprocher des populations en créant des possibilités d interaction qui nous permettront d expliquer de manière claire ce que ce sont les énergies renouvelables, d exposer les avantages et les vertus qui sont liés à son option. Il s’agira de voir également comment on peut à notre niveau faciliter l accès à ces équipements solaires aux populations, voir les voies et mécanismes de financement. C est pour cela que nous avons décidé de faire une tournée nationale qui va commencer samedi prochain à Saint-Louis.
Quelles sont les sources d énergie renouvelables dont le Sénégal dispose ?
Nous disposons de toutes les sources d énergies renouvelables traditionnelles connues. Nous disposons d un bon potentiel solaire parce que le Sénégal est l un des pays les plus ensoleillés au monde. Et en terme quantitatif, nous disposons de 3000 heures d ensoleillement par année. Ce qui est considérable à l échelle mondiale. Nous avons également de l énergie éolienne qui provient du vent, même si nous ne disposons pas du même potentiel que le soleil, il n en demeure pas moins que sur la grande côte, nos études nous ont montré que sur une altitude d à peu près 40 mètres, nous avons une vitesse de vent de 6 mètres par seconde. Ce qui est une possibilité d exploitation très intéressante. La troisième source dont nous disposons, c est la biomasse. C est tout ce qui provient des sources organiques, que ça soient des déchets végétaux ou des plantes, les déchets animaux, etc, tout cela peut être transformé en biogaz ou en bioénergie qui peut être transformé en électricité. Nous disposons également de la petite hydraulique, c est à dire l énergie qui provient des cours d eau. Nous avons aussi l énergie marémotrice qui provient des vagues, mais c est encore à l état embryonnaire.
Les objectifs de l Aner consistent justement à développer le secteur énergétique pour soutenir son émergence à terme. Mais, pour cela, il faut davantage d indépendance énergétique. Le pétrole coûte cher à l Etat car nous dépensons à peu près 750 milliards par an pour nous ressourcer. Et c est une ressource très aléatoire et qui nous empêche des projections sur les coûts à moyen et long terme. Il nous faudrait changer la dynamique du mix énergétique et voir comment on peut donner une part plus importante aux énergies renouvelables. Et l objectif en termes de chiffres est d arriver à l horizon 2017 à 20% d énergie et de puissance installées provenance de sources renouvelables. Nous en sommes aujourd hui à moins de 3%.
Pensez-vous pouvoir atteindre cet objectif de 20% d ici 2 ans?
Au Sénégal, la puissance installée est approximativement 700 méga watts. Ce qui est à peine un quartier à Copenhague. Nous allons travailler sur des projets qui font plus de 200 méga watts. Donc, nous n avons aucun doute que nous pouvons atteindre cet objectif de 20%.
Est-ce que les moyens sont suffisants pour atteindre cet objectif?
Dans l absolu, les moyens ne sont pas suffisants. Mais, nous avons les moyens d aller chercher les moyens. La stratégie est déjà en place, c est à dire comment faire en sorte de développer des mécanismes politiques qui nous permettent une fois que le projet est bien conçu, de montrer sa profitabilité et de le présenter aux bailleurs de fonds. Et solliciter leur intervention financière. L Etat prévoit aussi un budget assez important pour l atteinte de ces objectifs.
Combien cela va-t-il coûter aux Sénégalais pour disposer de ces nouvelles sources d énergie?
Cela dépend, si c est institutionnel, industriel ou personnel. Par exemple, si vous voulez équipez votre maison, il va falloir prendre un certain nombre de paramètres en compte : notamment faire une étude sur votre niveau de consommation, sur combien de terminaux il faudrait utiliser et sur cette base faire un calcul qui vous détermine la puissance en terme de panneaux solaires que vous mettrez.
Pour un foyer sénégalais moyen, il faudrait compter combien?
Je ne pourrai jamais le dire. Mais je sais que si c est une consommation raisonnable, il faudrait compter 3 à 4 millions pour dix ans.
Est-ce que cela pourrait être une alternative aux difficultés en électricité que vivent les Sénégalais?
Elle l est! Il faudrait développer le contexte, le cadre de l environnement. Si les énergies renouvelables ne sont pas développées au Sénégal c est parce que l information n est pas encore passée comme il le faut. Il y a aussi le caractère assez limité des moyens. Et il faut aussi que la Senelec soit davantage prête à pouvoir opérer cette mutation qui nous permet d absorber la source produite par les énergies renouvelables.
Mais cette transition aux énergies renouvelables ne constitue-t-elle pas une menace à l emploi de la Senelec?
Non je ne le pense pas. En réalité, elle permettra à la Senelec de mieux respirer si elle est soulagée en termes de demande. La production est là, mais l infrastructure qui permet de transporter et de distribuer a des problèmes structurants. C est pourquoi, il faudrait rénover et innover. Et pour cela, il faudrait avoir le temps de développer de nouveaux investissements, de mettre sur pied de nouvelles initiatives. Et cela ne peut se faire que si la Senelec est soulagée. D ailleurs, elle commence à faire la promotion des énergies renouvelables dans le cadre de sa politique.
Est-ce que vous avez pu mesurer l impact que cette transition vers les énergies renouvelables aura sur le prix de l électricité?
Nous en sommes encore à l état de projection. Mais, ce qui est sûr c est qu il y aura un impact positif sur le prix de l électricité parce que si la Senelec développe une centrale solaire qui est injecté dans le réseau cela lui permet de disposer davantage de possibilités d offre. Et cet avantage aura un impact sur les coûts de production qui vont s abaisser au fur et à mesure que la technologie se développe. Au niveau des consommateurs également, le fait de pouvoir s autonomiser à un certain niveau permet de réduire de moitié votre facture de la Senelec.
Comment comptez-vous, vous y prendre pour inciter les populations à aller vers ces énergies renouvelables?
C est davantage de communication, de sensibilisation et de contact vers les populations. L Aner commence aujourd hui à s implanter dans le paysage du Sénégal, de manière que l on ne pouvait pas imaginer, il y a 6 mois. Il y a de plus en plus de gens qui viennent vers nous.
Les énergies renouvelables ont-ils véritablement un avenir au Sénégal?
C est une tendance inexorable, une tendance mondiale. Les sources du pétrole commencent à s amenuiser et si on veut maintenir le niveau de vie que nous avons actuellement et il y a de fortes chances qu il s accélèrent dans un futur très proche, il faut trouver les moyens d assurer ce ravitaillement en énergie. Tous les pays du monde, d une manière ou d une autre, essaient de voir comment développer ces potentiels. Et ce qui justifie qu en une décennie les coûts ont baissé de 60% avec un développement technologique qui a été fulgurant. Et ce développement ne va pas s arrêter de sitôt. Le Sénégal a une obligation, même morale, de faire en sorte que le train ne nous laisse pas derrière.
Lala Ndiaye (seneweb.com)