Hassan Sylla Bakari, Ministre tchadien de la Communication, porte-parole du Gouvernement : «Habré ne perd rien pour attendre»
Le ministre tchadien est dans nos murs depuis deux jours. Pour le compte des victimes de Habré et de son gouvernement, il est venu à Dakar assister au procès de l’ancien Président Hissène Habré. Mais entre deux audiences avec des compatriotes vivant au Sénégal, il a bien voulu répondre à quelques questions de Rewmi. Quotidien.
La dernière actualité, c’est l’ajournement du procès de l’ex-président Hissène Habré, jusqu’au 7 septembre prochain. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
C’est le droit de Habré de disposer d’un délai pour réorganiser sa défense. En plus, c’est une décision de justice qui prouve que les magistrats africains sont indépendants, que le procès n’est pas manipulé, comme certains veulent le faire croire. Nous allons donc respecter ce délai de 45 jours et revenir à Dakar. Car, encore une fois, ce procès est historique. Il est trop important. Ce n’est pas seulement une affaire tchadienne. Elle concerne toute l’Afrique, tout le monde.
Quels sont les enseignements que vous tirez des deux jours que vous avez passés à Dakar, pour assister à l‘ouverture du procès ?
Je crois que tout se passe normalement, et qu’il convient de saluer les efforts consentis par les autorités sénégalaises, et toutes les autres parties dans cette affaire. Cela dit, je regrette que le président Habré se soit emmuré dans son silence. S’il avait parlé, cela aurait permis aux victimes d’avoir en face d’elles l’homme qu’elles accusent de leur avoir fait découvrir l’«enfer». Et ainsi, aider à la manifestation de la vérité.
Ne craignez-vous pas qu’un long délai long de 45 jours, ne vienne tout remettre en cause ? Et si l’accusé en profitait pour faire du dilatoire, pour susciter d’autres renvois en sa faveur ?
Certes, en venant à Dakar, nous ne nous attendions pas à cela. Comme vous vous en doutez, l’ajournement du procès aura des conséquences, surtout financières, pour ceux qui sont obligés de repartir et de revenir le 7 Septembre prochain.
Mais, nous pensons que la prochaine fois, cela ne se passera pas comme ça. Le Tribunal a déjà commis d’office des avocats pour l’accusé, et il ne pourra les récuser. C’est une décision de justice. Puisqu’il a opté pour le mutisme, sa présence ne sera pas aussi importante. Le droit ne lui permettra plus de se dérober et le procès se déroulera sous les meilleurs auspices. Habré ne perd donc rien pour attendre, et justice lui sera rendue. Nous n’avons aucun doute sur le sujet.
On spécule beaucoup là-dessus. Quelle est, exactement, l’implication tchadienne dans le dossier ?
Je refuse de parler d’implication. Ce que le gouvernement tchadien a fait, à l’instar de plusieurs pays, c’est de participer, à hauteur de deux milliards de frs, à la tenue du procès. D’abord, il fallait le faire, pour prouver au monde entier que maintenant, les Africains sont assez mûrs pour prendre leur destin en main, ensuite, il fallait le faire aussi pour les victimes tchadiennes dont le Président Déby fait partie, lui qui a perdu pas moins de 11 membres de sa famille, sous le règne de Habré. Enfin, il fallait le faire pour que le monde entier sache que les juges africains peuvent nous prendre en charge.
Mais encore une fois, l’essentiel n’est pas là. Nous allons vers un procès qui fera date, parce que diligenté par des magistrats professionnels. Et c’est pour moi l’occasion de féliciter les autorités de ce pays et d’autres pays du monde, pour tout ce qu’elles ont entrepris, alors que ce n’était pas évident, que personne n’y croyait vraiment. Voilà pourquoi ce jour, je dis que nous sommes tous Sénégalais, et nous en sommes fiers, parce qu’à la face du monde, nous allons montrer de quoi est capable l’Afrique Unie.
Entretien réalisé par Cheikh Ba