«August’ Tin-tamarre» ! Par Momar Mbaye
Refuser le diktat qu’un corps particulier voudrait imposer à des citoyens épris de justice et de liberté. Liberté d’informer, surtout d’informer vrai y compris sur un sujet aussi «sans-cible» que l’engagement de nos troupes en terre étrangère, sans mandat de l’Onu, sans adhésion nationale ni consentement populaire. Objet de toutes ces agitations polémiques, la très controversée décision d’envoyer 2100 de nos Jambaars au front, en appui à l’Arabie Saoudite en guerre au Yémen, est en train de précipiter la chute du gouvernement dans les tréfonds de l’impopularité.
E t ce n’est pas la faute à la presse si la «feuille de route» issue de l’entente «Jambaars contre pétrodollars» a été dévoilée au grand public. Refuser ce diktat des «traqueurs de sources journalistiques», c’est aussi savoir exprimer son indignation devant cet «Auguste Tin-tamarre» destiné à occulter les implications directes et indirectes de l’engagement de nos troupes à l’étranger.
Et faire comprendre au président de la République, à son ministre des Forces armées, que c’est lâche de vouloir, sous le couvert de la «Grande muette», s’attaquer à une corporation pour y dénicher des sources censées être protégées du fait de leur confidentialité. Envisager le dévoilement de ces sources, pour un Etat qui dispose de services de renseignements, relève de l’amateurisme.
Ailleurs, ces fuites parvenues à la presse, sont-elles la preuve que certaines personnes qui jadis se taisaient par patriotisme, ont décidé de ne plus se terrer dans le mutisme, mais de dire ce qu’elles savent, désormais. Par patriotisme toujours. Dans le langage d’un gouverne-ment cachottier, c’est de la traîtrise mais peu importe la définition, dès l’instant que la bonne information, avérée, a été portée à la connaissance du grand public, quelle qu’en soit la manière.
Une preuve supplémentaire que ce pays, qui bat des records en termes d’atteintes à la liberté d’expression- interdictions de sortie du territoire, emprisonnements arbitraires d’opposants -, est loin d’être sur les rampes de ce terme qu’on agite à tout-va et dont on s’éloigne progressivement du fait d’un pouvoir va-t-en guerre, qui pense tout régler dans le rapport de force et chercherait à ériger l’intimidation en mode de gouvernement.
Au point de vouloir «presser» des journalistes à révéler le «secret médical» par lequel ils administrent à leurs lecteurs, chaque jour, une thérapie confidentielle sur les tenants et aboutissants des décisions impopulaires et parfois peu réfléchies d’hommes politiques à qui il arrive, souvent, de confondre culture et agriculture. Ces derniers s’efforcent-ils, sciemment, de détruire un des fondements de la démocratie, de la liberté d’expression, du métier d’informer : la protection sacrée des sources sans laquelle le journaliste devra changer de métier.
Faut-il reconnaître que le fait d’avoir coopté en son sein plusieurs membres de cette corporation, a fait croire au pouvoir qu’il avait réussi à domestiquer une bonne composante de cette presse devenue, par moments, trop paresseuse voire complice quand il s’agit de poser un nom et un visage sur la carence manifeste de ceux qui peinent à prendre en charge correctement les préoccupations des populations, nos gouvernants qui, en trois ans de tâtonnements, ont été incapables d’assurer à ces dernières pas même une fourniture régulière de l’eau et l’électricité. Jusqu’ici tenue à bonne distance des préoccupations politiciennes, l’armée, accepterait-elle d’être instrumentalisée pour couvrir les faiblesses et manquements de ces hommes politiques, elle en assumera les conséquences et sombrera dans cette impopularité propre à ces derniers.
La presse, choisirait-elle de se taire sur ce qu’elle sait, elle se renie. Elle trahit. A l’image de certaines de ses composantes qui, jusqu’ici, ont été de connivence avec un régime qui sait aussi se retourner contre ses laudateurs.
Momar Mbaye