Idrissa Seck : « Président, je changerai l’hymne du Sénégal »

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Idrissa Seck : « Président, je changerai l’hymne du Sénégal »

On peut tout reprocher à Idrissa, sauf manquer de répartie. Président du conseil départemental de Thiès, après avoir été deux fois, maire de la ville, candidat malheureux aux Présidentielles de 2007 et de 2012, le président du parti Rewmi, qui a reçu hier, une équipe de journalistes du Groupe futurs médias (Tfm, Rfm, L’Obs, Igfm), dans sa villa au Point E (Dakar), a encore détonné par ses capacités d’orateur. Elégant dans son costume sombre, la gestuelle abondante, l’ancien chef du gouvernement a, pendant près de 2 heures d’interview en Français et en Wolof, passé au crible les « manquements graves » du régime Sall. Le pire, selon lui, depuis l’accession du Sénégal à l’Indépendance. Pour preuve, le président du Rewmi pointe du doigt la désacralisation de l’État qui a comme chef un « Président qui manque de poigne, de courage et de parole d’honneur ». Et la banalité du mensonge qui est devenu un mode de gouvernance. Abordant les questions de l’heure, comme le parrainage, les meurtres des enfants et des Sénégalais de l’extérieur, la crise scolaire, les accords gaziers entre le Sénégal et la Mauritanie… Idrissa Seck a cogné comme jamais contre Macky Sall et son régime.

La dernière fois que vous vous êtes livré à cet exercice avec le Groupe Futurs Médias, vous aviez versé de chaudes larmes. Allez-vous retenir votre émotion cette fois-ci ?
L’émotion n’est pas quelque chose qu’on manipule. On la vit en fonction des circonstances. Tout dépendra de vos questions. Mais, je voudrais tout d’abord vous saluer et vous remercier. Et je voudrais à travers vous, saluer vos lecteurs, auditeurs, téléspectateurs et internautes, ainsi que tout le peuple sénégalais.

À l’An 1, vous disiez que ça ne marchait pas encore. Que retenez-vous des 6 ans de Macky Sall à la magistrature suprême ?
À la veille de son départ de la présidence de la République, Monsieur Macky Sall doit avoir le courage de regarder les réalités en face. Il fait tout ce qu’il peut, mais il peut très peu. Le bilan aujourd’hui est un cycle de souffrances insupportables des populations, à tous les niveaux. Vous me permettrez de renouveler mes condoléances à l’endroit de nos compatriotes assassinés ici comme dans la diaspora. A l’endroit des militaires qui ont succombé à l’accident de l’hélicoptère à Missirah. J’exprime toute ma sympathie à toutes ces familles dont les enfants sont enlevés, violés, assassinés très lâchement. Ce climat d’insécurité symbolise l’échec du régime Apr. Parce que la première fonction de l’État et du président de la République est de garantir la sécurité à ses citoyens et à leurs biens. Or aujourd’hui, cette sécurité est menacée à tous les niveaux et nous voyons quotidiennement des manifestations. Je voudrais souligner aussi ce désastre que constitue le chômage massif des jeunes. Le brillant Moubarack Lô qui conseille le Gouvernement vient de qualifier cela, fort à propos, de bombe sociale. 55% de la population sénégalaise est jeune. Nous avons une population active de 54,4% et ça peut être un potentiel de développement extraordinaire, comme ça peut être une menace pour la stabilité sociale du pays. Donc, j’invite humblement le président de la République à reconnaître son échec. Au lieu de s’abriter derrière de plaisants discours qu’il achète à coups de milliards, tel que le Pse, pour faire des promesses au peuple. Alors qu’il ne lui fait des promesses qu’en tromperie. Le Pudc, la Cmu, le Pse…, l’ère des slogans est révolue. Je comprends dans son staff qu’il y ait beaucoup de communicants. Beaucoup de journalistes l’entourent, mais on ne peut pas maquiller la réalité. La réalité aujourd’hui, c’est que le peuple souffre. Et cette souffrance m’est insupportable. Donc, je ne m’attaque pas à Macky Sall et d’ailleurs, je ne veux plus parler de lui, parce que ça ne sert à rien. Il y a 6 ans, j’avais dit que ça ne marcherait pas, tel que c’était parti. Aujourd’hui, nous sommes unanimes à reconnaître que ça ne marche pas. Parce que dans un pays, lorsque la sécurité est menacée, la Justice manipulée pour agresser des adversaires politiques et garantir l’impunité à ses amis et alliés, le système éducatif s’effondre, la santé menacée,… le bilan est simplement catastrophique.

C’est un tableau sombre que vous dressez là. Pour vous, il n’y a rien de bon ?
Peut-être une chose et encore, il a construit quelques résidences dans les cités religieuses. Mais, le statut de ces résidences demeure flou. Parce que quand on dépense l’argent public, on doit dire ce qu’on en fait. Est-ce qu’il fait une subvention aux Khalifes pour qu’ils construisent des maisons à eux dont ils ont la charge de l’entretien et du fonctionnement ? Ou bien c’est l’État qui a construit ces hôtels ? Donc, ce sont des établissements publics assujettis aux règles de comptabilité publique et dont l’entretien et le fonctionnement doivent annuellement être budgétisés. Je ne sais pas, mais en tout cas, c’est un beau geste.

N’êtes-vous pas en train de faire dans la critique facile… Qu’est-ce que vous proposez ?
Ce que je propose, c’est d’abord de passer de la République du Sénégal à la République sénégalaise. Je veux qu’on fonde une République sénégalaise articulée autour des valeurs qui nous sont propres. Mais, pas la République du Sénégal. On ne dit pas la République de France, on dit la République française. Parce que c’est la culture française, les tripes des Français qui ont généré leur République. Et c’est par là que nous allons commencer. Je vais commencer par proposer de changer l’Hymne national. Je veux un hymne à nous, qui nous fasse vibrer, qui sorte de nos tripes et qui évoque ce que nous sommes, d’où nous venons. Pas quelque chose qu’on a été importé comme l’actuel. Un hymne où on entendra des sonorités Wolof, Al Pular, Sèrère, Mandingue… Et je lancerai un concours à cet effet.

Donc, quand vous serez président, vous changerez l’Hymne national du Sénégal ?
Je propose donc la République sénégalaise à la République du Sénégal. Je propose de changer l’Hymne national et même un hymne à l’Afrique. Me Abdoulaye Wade en avait proposé un, mais il est allé trop loin, parce qu’il s’est improvisé compositeur et musicien à la fois. Je ne ferai pas cela, je lancerai un concours et demanderai à ceux dont c’est le métier de nous proposer un hymne qui corresponde à ce que je souhaite que nous fassions. Qu’est-ce que je souhaite que nous fassions ? Je ne réinvente pas l’eau chaude. Je veux que les chaînes aussi bien mentales que physiques soient brisées. Que nous soyons libres, indépendants. Que nous prenions conscience que nous faisons partie de ceux à qui Dieu s’est adressé, quand il a dit j’ai honoré les fils d’Adam. Que nous ne sommes pas destinés à être des esclaves, des colonisés, des soumis, des pauvres. Je veux briser le paradoxe d’être le continent le plus riche de la planète qui vit la misère la plus insupportable. Voilà ce que je veux faire. Que les bienfaits et les richesses touchent toute la population. Ce que j’ai, ce dont j’ai pu bénéficier, enfant d’abord, c’est-à-dire toutes les chances que l’État m’a données, (bourse, formation exceptionnelle de qualité, des opportunités), je veux la même chose pour vos enfants, pour tous les enfants où qu’ils soient. Je ne veux plus voir 50 à 100 mille enfants mourir avant 5 ans, faute de vaccination. Je ne veux plus que des enfants se présentent devant des écoles pour s’inscrire et qu’ils n’aient pas de places. Je propose ça et je propose que la misère recule. Vous avez parlé du bilan de Macky Sall ; le trait caractéristique le plus évident de ce bilan ; c’est le taux de pauvreté et même d’extrême pauvreté. Lui-même le dit ; il est obligé d’augmenter les bourses familiales et de les élargir à 50 mille ménages, dans une opacité totale, parce que si vous avez droit, je ne sais pas comment vous faites pour que votre droit soit respecté. Est-ce qu’on vous a défini des critères pour dire voilà les ayant droit et que tous ces ayant droit-là se présentent et que si l’offre ne satisfait pas toute la demande, qu’on nous indique quelles sont les critères de sélection et d’élimination de ceux qui ne seront pas bénéficiaires. Cette extrême pauvreté doit reculer. Le mal s’écartera de vous. Où que se trouvent des bienfaits pour le peuple sénégalais, j’irai les chercher pour ce peuple-là. Ce que je propose est très simple : je veux que les jeunes soient formés, qu’ils soient soignés. Je veux qu’ils aient des emplois, puisque la finalité de tout programme économique, c’est de permettre à chacun d’entre nous d’accéder légalement, noblement, à des revenus qui lui permettent de faire face à ses besoins.

Vous l’avez dit tantôt : le pays souffre. Mais cela ne date pas d’aujourd’hui. Depuis  2000, nous constatons qu’au Sénégal, le système politico-social n’a pas changé. Ni dans les instruments ni dans les objectifs. Qu’est-ce que Idrissa Seck apporterait à ce système, s’il venait demain au pouvoir ? Est-ce qu’il y aura des éléments de renouveau ou on assistera à un simple jeu de chaises musicales ?
La première rupture, c’est que je ne serai que président de la République. Je ne serai plus Président de mon parti. D’ailleurs, je suis en train de l’organiser et de le structurer pour qu’il se donne les moyens de me choisir un remplaçant, si le peuple sénégalais me faisait confiance, en février prochain. Je ne présiderai plus le Conseil supérieur de la magistrature. Je rendrai à la justice sa responsabilité et son indépendance. Je commence par sa responsabilité, parce qu’il ne s’agit pas de faire un gouvernement des juges, qui eux aussi, pourraient faire n’importe quoi sans aucun contrôle. Il faut que le juge qui rende un jugement sache que s’il est coupable de forfaiture, il sera sanctionné. Donc, c’est le couple indépendance-responsabilité. Je remettrai de l’ordre. Il n’y aura plus de justice où le président de la République se met devant le pays et dit : vous seriez étonné du nombre de dossiers sur lesquels j’ai mis le coude. Qu’est-ce que c’est que ça ? Vous imaginez en France, aux États-Unis, en Allemagne, en Suisse, un Président dire cela et rester en poste plus d’une minute. Le président de la République, gardien de la Constitution et de l’équilibre de notre dispositif institutionnel, nous dit : il y a des dossiers, j’y ai mis le coude. Mes amis, on n’y touche pas. Vous Khalifa Sall ; allez en taule, vous Karim Wade ; exilé, vous Idrissa Seck, je ne peux rien contre vous, je vais chercher un système de parrainage pour peut-être vous gêner. Je mettrai de l’ordre. Je mettrai un minimum d’ordre dans le pays lui-même. Qu’on respecte certaines règles d’hygiène, d’utilisation de la voie publique, du respect du code de la route dont nous nous sommes doté, un peu d’ordre, un peu de sécurité. Dans l’histoire humaine, lorsque sous la pression des changements climatiques, les hommes ont dû se regrouper autour des quatre fleuves nourriciers : le Nil, le Tigre et l’Euphrate, la Mésopotamie, l’Indus et le fleuve jaune pour former les premières civilisations, la première fonction des états institués, celui de l’Egypte en particulier, où ils se sont dotés d’un pharaon en moins 2800 avant Jésus Christ, la première fonction, c’était de garantir la sécurité aux paysans pour qu »ils aient le temps d’inventer le néolithique, de cultiver, puisque pour cultiver, il faut semer, labourer, surveiller, récolter, ça prend du temps. Si pendant ce temps, le paysan n’est pas en sécurité et peut être attaqué par des bandits, il n’y aura pas de récolte et il y aura de la famine. D’ailleurs, c’est là où il y a le désordre à travers les âges, qu’il y a des famines et des catastrophes. La sécurité est fondamentale. J’ai entendu tristement le Premier ministre dire : en Espagne, en Angleterre, on ne peut pas garantir la sécurité d’ici, depuis Dakar, comme si on lui demandait d’envoyer des gendarmes à Paris ou en Espagne. On lui demande d’avoir la diplomatie optimale qui permette que nos concitoyens qui vivent dans ces pays, bénéficient de la même protection que celle que nous offrons aux ressortissants français qui sont ici. Quand il y a menace, nous déployons toutes nos forces de sécurité pour sécuriser les installations diplomatiques des autres pays partenaires. Nous sommes en droit d’exiger la même chose d’eux. Mais ça, un Président faible ne le peut pas.

On vous a entendu évoquer le nom de Karim Wade en citant la responsabilité et l’indépendance de la justice. A l’époque, vous aviez dénoncé un deal international qui avait permis de le libérer. En perspective de la Présidentielle, sa candidature recevable ou pas, seriez-vous prêt à nouer une alliance avec Karim Wade ?
Je me bats pour des principes. Quel que soit ce que je pense de quelqu’un, je veux être protecteur de ses droits. J’ai déclaré partout et je l’ai fait à l’internationale libérale, devant la commission des droits de l’homme de cette internationale, qui a adopté une résolution qui indique une liste de dix droits que n’importe quel citoyen poursuivi doit avoir. ‘’Ten basics rights », la résolution existe et elle a été déposée à la commission des Nations unies. L’Internationale libérale souhaite que j’aille devant la commission des droits de l’homme des Nations Unis défendre la cause. Je ne parle pas de la culpabilité de Karim Wade.  Ce que je dis, c’est que l’instrument avec lequel on l’a appréhendé, à savoir la Crei, viole la Constitution et le droit. C’est un mauvais outil. Il ne faut pas avoir peur de dire, ce que la Crei dit, on l’efface. Deuxièmement, que notre président de la République puisse donner sur la base de ses prérogatives constitutionnelles, une grâce à un de ses citoyens et puisse le livrer à une puissance étrangère, je trouve ça scandaleux. Vous êtes condamné, je suis Président, je vous donne la grâce, je vous laisse partir, vous choisissez librement ce que vous voulez faire, puisque la grâce n’efface pas la condamnation, mais le fait de s’impliquer lui-même dans le deal international. C’est cela que je trouve répugnant. Livrer un citoyen à une puissance étrangère, quels que soient les accords qu’il ait pu avoir avec le Qatar, je trouve cela répugnant. La recevabilité de sa candidature ou pas, c’est le Conseil constitutionnel qui en décidera. Pour l’instant, je me bats pour que tous ceux qui veulent être candidats puissent l’être. Que Khalifa Sall puisse être candidat, que Karim Wade puisse être candidat, parce que les magistrats de la Crei ont pris le soin de préciser dans leur décision, que ses droits civiques et politiques n’étaient pas touchés, mais quand tu entends les gens du régime, c’est comme si c’est plié, puisque d’une part, c’est plié parce qu’il nous doit 138 milliards FCfa. Il ne pourra pas déposer la caution sans les avoir remboursés. Ils sont en train de trouver des mécanismes pour l’écarter. Khalifa Sall pareil, ils cherchent des mécanismes pour l’écarter. Là dessus, je voudrais solennellement m’arrêter pour demander au président de la République, Macky Sall, gentiment, cette fois-ci, d’avoir le courage de libérer le député-maire Khalifa Sall, parce qu’il est député, il bénéficie d’une immunité parlementaire. On ne peut pas nier ça, quelles que soient les raisons pour lesquelles on le poursuit. Mais plus fondamentalement, si ce qu’on lui reproche est vrai, Macky Sall et son régime sont complices.Etant Premier ministre, c’est sous mon gouvernement que les décrets portant comptabilité publique et règles nouvelles de gestion des caisses et régies d’avance ont été signés en mars et août 2003. Et l’un des décrets qui est là porte la signature de Macky Sall. Alors si ce décret précise, même s’il a été pris en août 2003,  que c’est à partir du 1er janvier 2004 que les nouvelles règles s’appliquaient. Macky Sall a été Premier ministre en 2004, c’est lui qui m’a remplacé. Et a été président de la République. Donc, entre 2004 et 2017, date de l’incarcération de Khalifa Sall, il était au courant des décrets. Parce que c’est lui qui les a signés. Pourquoi n’a-t-il pas fait appliquer les nouvelles règles qui, automatiquement, devraient entraîner la disparition de la Caisse d’avance ? Pourquoi, il s’est tu là-dessus ? Donc, s’il y a association de malfaiteurs, qui est le président des malfaiteurs ?

Président, vous avez brossé un tableau sombre de la situation nationale depuis plus de 6 ans. Mais, on ne saurait dire qu’il n’y a rien de positif réalisé par l’actuel régime.
Il y a des points positifs. Le loyer n’a pas baissé, lisez le rapport de la Banque centrale sur l’inflation de la zone et au Sénégal et sur l’inflation en perspective. Vous avez le droit d’apprécier ; mais moi, j’ai une responsabilité, je suis un acteur politique et non un commentateur. Je me suis engagé en politique et ai subi des épreuves dans ma chair, du fait de cet engagement. Je ne parle pas sous l’emprise des passions, je dis des choses en toute responsabilité. Parlons des faits. Les faits, c’est que le président de la République avait promis une gestion sobre et vertueuse. Elle n’est ni sobre ni vertueuse, je peux le démontrer. Il donne des permis de ressources nationales qui, selon la Constitution, appartiennent au peuple sénégalais, à son frère et à Frank Timis. Contre l’avis de ses propres services qui lui ont dit : ‘Monsieur le Président, les deux décrets dont vous héritez, signés de Karim Wade et de Me Abdoulaye Wade, sur ces permis-là, sont mauvais. Puisqu’ils ont été pris en violation de toutes nos règles de droit. Donc annulez les, parce si vous ne les annulez pas, les contrats subséquents dont ils seront le substrat risquent d’être attaqués. Non seulement, il ne les a pas annulés, il s’est précipité à prendre les mêmes décrets pour confirmer ses permis de pétrole. Ça, ce n’est ni sobre ni vertueuse. Il a dit : je ne prendrai jamais de décret pour nommer mon frère. Où est son frère ? Il a été nommé par décret. Vous appelez ça comment ?

Pourquoi, pensez-vous que le parrainage est un moyen d’éliminer des adversaires politiques ?
L’expérience nous l’enseigne. Le parrainage, c’est messieurs les candidats déposez au moins 1% d’inscrits dans sept régions différentes et vous donnez au Conseil constitutionnel les signatures. Youssou Ndour, en 2012, avait déposé 12 936 signatures. Le Conseil constitutionnel lui dit qu’il n’y a que 8 911 qui sont identifiées et dont les signatures sont validées. Youssou n’était pas là et n’avait aucun recours, il est donc éliminé. Kéba Kendé dépose une liste de 12 100 signatures, le Conseil constitutionnel lui dit qu’il n’y a que 8 154 qui sont valables. Comment ont-ils vérifié ? Qui était là ? Il est éliminé. Abdourahmane Sarr dépose une liste de 10 000 signatures, le Conseil constitutionnel lui dit qu’il n’y a que 8 100 qui sont valables. Qui était là ? Qui a compté, vérifié et identifié les signatures ? Qui a éliminé les autres ? En conclusion, ils disent à tous ces gens : votre candidature ne respecte pas les prescriptions de l’article Lo116. Donc, elle est déclarée irrecevable. Je ne veux pas que Macky Sall puisse le faire en 2019. Ce n’est pas du bla-bla, ce sont des faits.

N’est-ce pas plus compliqué en France, où il y a parrainage par des élus ?
Si on a confiance au système. Mais si on a un Conseil constitutionnel qui s’invite délibérément à soutenir le président de la République dans toutes ses tentatives et initiatives pour domestiquer notre processus électoral, est-ce que vous avez confiance ? Non, nous sommes des acteurs politiques et ne voulons pas être mis devant le fait accompli. Alors qu’on nous dit OK pour le décompte et la vérification des signatures de parrainage, on va voir le Synpics, l’Ordre des avocats, des gens de la Société civile, qui seront là quand on va compter. Nous Rewmi, il est manifeste qu’on ne soit pas concernés. S’il veut un million de suffrages, on lui donne. Il n’y a pas de problème. Mais, c’est pour le principe. C’est un piège. Et pour ce piège-là, nous ne voulons pas lui donner l’occasion de l’utiliser comme cela a été fait en 2012, contre Youssou Ndour, Kéba Kendé et Abdourahmane Sarr. Je ne dis pas que les signatures de Youssou Ndour pour passer de 12 936 signatures à 8 911 n’étaient pas valablement écartées. Je dis en tant qu’auditeur de profession, ceci n’est pas contradictoire et ne m’inspire pas confiance.

Mais, est-ce que cette situation n’est pas la faute de l’opposition dite « significative », plus encline à se battre dans la rue que dans des cadres appropriés pour gérer certaines situations ?
J’ai l’impression que vous croyez que si nous y étions allés, il n’aurait pas fait ce qu’il est en train de faire. il a lancé son fameux dialogue et tout le reste de l’opposition dite « significative » est allée au Palais, à la Salle des banquets. Sauf moi, bien-sûr. Puisque moi, j’ai refusé de dialoguer avec lui pour une raison simple : lorsqu’une autorité a une parole indigne de confiance, viole des engagements souscrits devant son peuple et l’opinion nationale, sa parole ne vaut plus rien à mes yeux.

Mais, l’autorité reste quand-même le président de la République.
Bien-sûr, bien-sûr pour un temps. Mais cela n’en fait pas un Dieu. Il est là pour un temps. Il est usufruitier et va partir. D’ailleurs, c’est à ça que l’invite à méditer. Il y avait un gouverneur Momar Diaw, devenu Directeur de la Sûreté nationale. Et à l’occasion de sa passation de services, il y avait Gaïndé Fatma, Serigne Cheikh Al Makhtoum et Jean Collin. A la fin de sa prestation de serment, Gaïndé Fatma dira au nouveau de la Sûreté nationale : « Léne rek lalay ndenk moy louy diex na raféte » (Veuillez à ce que tout ce qui prend fin soit beau). Macky Sall n’est pas président de la République à vie. Peut-être qu’en février 2019, il ne le sera plus. Il doit donc embellir sa conduite vis-à-vis de son peuple et de ses opposants. Il ne faut pas qu’il les massacre, les traite de n’importe quoi, il faut du respect. Mais, sa parole n’a pas de valeur.

« Macky Sall était le chef d’orchestre du complot, il avait dit à Wade que je voulais faire un coup d’État contre lui »

L’actualité, c’est aussi le rapt des enfants. On n’a pas entendu beaucoup les politiciens en parler. Qu’est-ce que comptez-vous faire, une fois au pouvoir, pour le contrer ?
Je vais renforcer la sécurité. D’abord, nous n’avons pas suffisamment de Forces de sécurité et de défense. Notamment de policiers et gendarmes. Le peu qu’on a, Macky Sall l’utilise à surveiller, à épier ses adversaires politiques, à se protéger lui et son clan, plutôt qu’à protéger le peuple. Je reviens du fond du Sénégal. J’ai rencontré un boutiquier qui a été agressé et dont la femme a été tuée devant lui. Il me dit : « Nioune kéne arou niou » (Personne ne nous protège). Les éleveurs disent : nous ne pouvons plus élever nos bêtes dans nos concessions, en dormant en paix. Maintenant, ce sont les enfants qui sont enlevés. Donc, le peuple commence à se réveiller et à dire au fond, celui-là qui a en charge la garantie de notre sécurité et de nos biens, il a raison, c’est vraiment un lion qui dort. Parce que si les hyènes et les gens viennent nous agresser, c’est que le lion qui est à la porte dort. Je vais donc renforcer les effectifs déployés pour la protection des citoyens, des populations et non pas pour la protection du président de la République et de son clan. Recruter, cela nécessite des ressources et je sais comment les trouver.

Vous avez fait combien de contrées du Sénégal, et en rencontrant ces populations, ont-elles eu une autre vision de vous, différente de celle d’il y a six ans ?
Oh ! Il me reste peut-être une dizaine de départements à couvrir. Ecoutez, je n’ai pas d’instruments scientifiques pour le mesurer. Mais ce que je ressens, au contact des populations, c’est que ça se passe très bien. Je ne ressens que de l’affection, de la sympathie, de la compréhension. Pourquoi ? Parce qu’elles ont compris enfin que j’avais été victime de complot. Et comme c’est dépassé et que j’en ai plutôt tiré avantages en maturité, en sagesse, je n’ai absolument aucune rancune. Mais, il est important de rappeler à la jeune génération ce qui s’est passé. Et ce sont les acteurs eux-mêmes qui me le racontent. Macky Sall était le chef d’orchestre. Qu’est-ce qu’il a dit à Wade ? Il lui dit : attention Idrissa Seck-là veut un coup d’État contre toi. Un coup d’État rampant, debout de Mamouth Saleh, de « Il est Midi », « Messager », « Xibaar », toute la presse de la Présidence. Ensuite, il lui dit : « Fais attention, il n’est pas loyal. Tous les secrets que vous avez partagés, il vous a enregistré. » Ce qui est un gigantesque mensonge.

Après, vous avez sorti des Cd…
C’est qui que vous entendez dans les Cd ? C’est moi que vous entendez ; puisque je suis un homme prévenant. Pour moi, il était possible qu’on me tue en prison. Et d’ailleurs, Wade m’a dit : « Si j’avais laissé ces gens-là, ils t’auraient emmené à Kédougou et tout aurait pu se passer. » Donc, il n’a pas fini. Il dit qu’il t’a enregistré. Tu dis ça à un Président, il s’affole. Puisque celui en qui il avait le plus confiance, c’est moi. Plus qu’en Karim Wade, plus qu’en Viviane Wade, plus qu’en Sindiely Wade réunis. Donc, si on lui dit que je ne suis pas loyal, je l’enregistre, etc. mais il pète un câble.

Vous voulez dire que Macky Sall est à l’origine de votre différend avec Wade ?
J’ai dit qu’il était le chef d’orchestre. Il a initié le complot. Peut-être, il avait une oreille bienveillante. Peut-être que certains avaient intérêt à ce que ça se fasse.

Vous lui en voulez toujours ?
Non, je ne lui en veux plus. Il est venu ici (chez lui), il était assis là, pour demander mon soutien en 2012. Je le lui ai accordé. Je n’ai plus de rancune. Pas un atome de rancune, c’est du passé. Je le rappelle uniquement pour que vous sachiez la vérité. Troisièmement, il lui dit qu’il peut faire un coup d’État, puisqu’il a un trésor de guerre gigantesque caché dans des comptes dans le monde entier. D’où tous les faux comptes qu’il publie chaque jour depuis « Il est Midi « , les Mame Mbaye Niang… Ce sont des histoires à dormir debout. Quand j’en ai eu assez, j’ai écrit à tous les Sénégalais pour leur  demander un jury d’honneur. Après, le procureur de la République s’est autosaisi et ensuite, le président de la République lui a dit de laisser tomber. Cela ne vous dit rien ? Je suis là et les deux Présidents Macky et Wade sont vivants. Et j’ai déclaré à l’origine que d’ici à l’extinction du soleil, ils ne pourront rien contre moi. Le soleil ne s’est pas encore éteint et je suis là.

Auteur: Papa Abdoulaye Der, Georges Déthié Diop, Pape Sambaré Ndour et Ha – IGFM

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