Ziguinchor : les grossesses précoces encore « persistantes dans le moyen secondaire » (acteurs scolaires)
Les grossesses précoces chez les élèves du moyen secondaire sont sources de beaucoup d’abandons scolaires dans certains établissements de la commune de Ziguinchor, Bignona ou de Niaguiss, dans la zone sud du pays, selon des statistiques et témoignages recueillis auprès des responsables scolaires.
Ce phénomène persiste dans cette zone, malgré une tendance à la baisse, indiquent ces statistiques communiquées à un groupe de journalistes en déplacement dans la région.
Du collège élémentaire moyen de Agnack, dans la commune de Niaguiss, à celui de Baila (Bignona), en passant par le CEM Tété Diadhiou de Ziguinchor, les chefs d’établissement ont ouvert leurs registres pour « informer et alerter sur le phénomène et (lui) trouver des solutions ».
Des élèves ont également témoigné sur des cas relatifs à leurs camarades qui ne sont plus revenues à l’école.
Principale nouvellement affectée au lycée de Tété Diadhiou en août, Monique Sarr Sagna fait déjà face à deux cas de grossesse précoces non désirées dans une classe de 4ème et de 3ème.
« Dans les collèges de la périphérie de la commune de Ziguinchor, les grossesses précoces sont plus nombreuses. Par exemple, dans le CEM de Diouloulou où j’ai exercé pendant plusieurs années, systématiquement, il y avait au moins une dizaine de grossesses chaque année de la 6e à la 3e », a-t-elle déclaré.
Monique Sarr Sagna recevait dans son établissement un groupe de journalistes participant à une visite de Population Référence Bureau (PRB) consacrée à l’accès des jeunes à l’information et aux services de la santé de la reproduction.
À défaut de rencontrer le principal du collège de Baïla, à une cinquantaine de kilomètres de la commune de Ziguinchor et à 25 km de Bignona, les témoignages d’une trentaine d’élèves réunis au poste de santé par les « Bajenu Gokh » semblent confirmer que le collège n’échappe pas au phénomène.
« Dans notre classe, il y a une de mes camarades qui est en état de grossesse », témoigne une élève de 4e devant l’assemblée, en présence d’une autre jeune fille inscrite en première est déjà fille-mère.
« J’ai contracté ma grossesse en avril 2014, j’ai pu terminer la classe de seconde sans éveiller les soupçons au sein de l’établissement, puis j’ai accouché au mois de décembre 2014 juste avant les vacances de noël », confie la jeune fille de 17 ans, tête baissée devant un petit groupe de camarades qui l’encouragent à poursuivre son récit.
« Très brillante » selon ses camarades de classe, elle a repris les cours après les fêtes de noël et poursuivi normalement ses études avec l’aide de sa mère qui s’occupe de son bébé âgé à peine de 5 mois.
« Les grossesses précoces chez les élèves avaient beaucoup baissé dans l’établissement entre 2006 et 2010, mais ces 5 dernières années, on a enregistré plusieurs cas de grossesse à tous les niveaux de la 6e à la 3e », a confié pour sa part confié le principal du CEM de Agnack, Mamadou Cissé en poste depuis 2006.
A l’ouverture du CEM en 2006, l’USAID avait accompagné l’établissement dans un programme qui a permis de dérouler des activités de sensibilisation auxquelles les jeunes filles adhéraient à travers le slogan « CEM sans grossesse », a-t-il informé.
« Cela a duré 4 ans (2006-2010). Cette génération partie avec la fin du programme de l’USAID, les activités de sensibilisation sont tombées en léthargie avec à nouveau l’augmentation des cas de grossesses enregistrées au niveau des élèves chaque année et toutes classes confondues », a confié le principal Mamadou Cissé.
Résultat : le CEM enregistré 6 grossesses en 2011-2012, contre 8 en 2012-2013. Il y a eu ensuite 15 grossesses en 2013-2014 et 11 ont été déjà enregistrées en 2014-2015, selon le principal.
Aussi le principal du CEM de Agnack a-t-il décidé de reprendre et de redynamiser les activités de sensibilisation aussi bien au sein de l’établissement qu’auprès des jeunes non scolarisés dans la communauté.
Dans ce cadre, des activités de sensibilisation et de formation des jeunes filles et garçons sont déroulées « jusque dans leurs communautés au sein de leurs familles sans aucun appui et aucun accompagnement financier », a indiqué M. Cissé.
Un Observatoire des élèves victimes de la déperdition scolaire a même été mis en place par des responsables d’élèves et d’autres acteurs, a-t-il révélé.
Une enseignante professeur de SVT fait office de conseillère pour les jeunes au sein de cette structure, dans le but de les orienter et de leur faire bénéficier les services dont ils ont besoin pour une meilleure prise en charge de leur santé sexuelle et reproductive.
Mais selon Mamadou Cissé, « les moyens ne suivent pas et cela est loin de résoudre le problème du fait du manque d’accompagnement » de l’inspection médicale des écoles (IME) et des programmes et projets dans le domaine de la santé en cours dans la région.
Interrogé sur cette question, le coordonnateur de l’IME à Ziguinchor, Matar Lèye, a concédé « une certaine léthargie » de ses services « depuis un certain nombre d’années ». Mais « les choses sont en train d’être reprises en main » pour accompagner les élèves dans la prise en charge de leur santé, en matière de Santé reproductive en particulier.
« Maintenant, avec la circulaire prise par la tutelle depuis quelques années, on ne renvoie plus l’élève en état de grossesse, il lui est délivré un certificat d’arrêt des cours et une fois délivrée, elle peut reprendre ses cours en passant par l’IME avec un certificat médical attestant de son accouchement », a-t-il expliqué.
Le manque d’informations sur la santé reproductive des adolescents et des jeunes, l’absence, dans les structures de santé, d’espaces pour des services adaptées aux besoins des adolescents et des jeunes, sont cités comme principaux facteurs du phénomène.
Il y a aussi le déficit en centre conseils pour les adolescents (CCA) – le seul qui existe est délabré et laissé à lui-même pour toute la région -, le déficit de professeurs et de maîtresses d’Economie familiale, la léthargie des clubs EVF (Education à la vie familiale).
La responsabilité des parents est également engagée, selon chefs d’établissement et élèves qui considèrent que « la famille est la première responsable pour l’éducation à la sexualité des enfants ».
Dans les faits cependant, « la plupart des parents peinent toujours à aborder » avec leurs progénitures des questions relative à la Santé sexuelle et reproductive.