Souvenir…Eugenie Rokhaya Aw, Journaliste, Consultante

0

Eugénie Rokhaya Aw, ancienne militante de la Gauche des années 70, est la première femme sénégalaise à diriger l’école de Journalisme, le Centre d’études, des sciences et techniques de l’information (CESTI). Pendant six années, de 2005 à 2011, elle a été aux commandes de cette prestigieuse école qui a vu défiler un bon nombre de journalistes africains. Elle a quitté ce monde le 03 juillet 2022.

Formatrice et consultante, ERA née en 1952 est l’une des premières femmes à intégrer la rédaction du premier Quotidien national « Le Soleil » à ses débuts. D’ailleurs, c’est l’une des premières journalistes femmes et spécialistes de la communication sénégalaise, avec un parcours atypique entre le Sénégal et le Québec.

Ancienne militante de la Gauche clandestine, Mme Eugénie expliquait dans l’édition spéciale « Les Cahiers de l’Alternance » N°10 de décembre 2006 consacrée aux « Femmes au Sénégal » : « J’ai quitté la Gauche pour deux raisons : la première est que tous les courants idéologiques sont une forme de chapelle qui à la longue enferme celui ou celle qui y croit. Deuxièmement, ce qui me gênait, c’est aussi le fait que ces idéaux étaient importés. Pourquoi, nous autres Africains, ne sommes pas en mesure de trouver des courants de pensée par nous-mêmes ».

ERA aimait rappeler que son enfance est marquée par les soubresauts de la période de fin de la colonisation française et de mise en place d’un nouvel État. Son père fut un éducateur spécialisé, affecté par les services de l’Administration coloniale à Dakoro, dans la région de Maradi (centre sud du Niger) où il dirigea un centre pour l’enfance délinquante. Il est aussi reconnu comme un partisan de Djibo Bakari, un opposant au premier président nigérien Hamani Diori, un militant proche des courants incarnés dans l’Afrique occidentale par Kwame N’krumah, au Ghana ou Ahmed Sékou Touré en Guinée. Ce père était obligé, dans la période du référendum de 1958 et de la création de la Communauté française, de partir clandestinement au Niger, temporairement.

UNE PASSIONNEE DES ARTS

Passionnée par les arts, Eugénie a d’abord fait des études en philosophie à l’Université de Dakar avant de contribuer dans des journaux comme critique d’art. Quelques années après, le premier quotidien national d’alors Le Soleil lui ouvrit ses portes au moment où il y avait une forte présence masculine dans ce journal.

A la suite de positions contraires à la ligne éditoriale du journal, elle sera licenciée en 1976. Elle vivra des moments difficiles car considérée comme une militante de la Gauche sénégalaise au moment où le Parti socialiste de Senghor régnait en maître, elle fera l’objet d’une première condamnation, de quelques mois de prison puis une seconde fois de quelques jours sous le régime de Diouf.   « Nous avons vécu la prison avec beaucoup de fierté », affirmait l’ancienne patronne du CESTI.

Soutenue par l’ancien Archevêque, le Cardinal Hyacinthe Thiandoum, elle retrouva du travail pour le Magazine Afrique Nouvelle, une publication catholique diffusant dans toute l’Afrique de l’ouest et basée à Dakar dans la zone du collège Saint-Michel.  Une bonne occasion lui sera à nouveau offerte pour servir comme consultante et responsable francophone de la communication pour la Conférence des Églises de toute l’Afrique, une organisation œcuménique basée à Nairobi, au Kenya et regroupant les différentes églises protestantes, avec des actions dans le domaine social. C’était à l’époque de la lutte contre l’Apartheid en Afrique du Sud. D’autres occasions lui seront offertes notamment la participation à la Conférence internationale des femmes de Copenhague en 1980 ce qui lui permit de nouer des contacts avec les femmes venues du Québec. De retour au Sénégal, elle sera chargée du secrétariat de l’Association des professionnelles africaines de la communication, et organisa un séminaire des femmes journalistes francophones.

Bénéficiaire d’une bourse d’excellence de la Francophonie, en 1988, c’est le retour aux amphis, une formation sanctionnée par une maîtrise en communication à l’université du Québec, à Montréal (UQAM). Pendant près de 14 ans au Québec, elle a apprécié les échanges et la vie intellectuelle dans cette province. Le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) la sollicita pour diverses missions en Afrique et notamment au Rwanda en 1994. Son mémoire, pour son Ph. D, en 2001, porte sur les «Paroles de femmes rwandaises, de la culture du génocide à la culture de la paix, 1994-1999 ».

L’ancienne directrice du CESTI a joué encore sa partition dans la réflexion sur les médias, la formation des journalistes, l’évolution du journalisme, les relations hommes/femmes, les médias et la violence, etc. Elle a été rapporteuse des 45e Assises de la presse francophone, à Lomé, au Togo. Son passage au Conseil pour la régulation et l’éthique (CORED) fut apprécié par tous.

El Hadji THIAM HALWAR

About Post Author

Visited 4 times, 4 visit(s) today

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.