INTERVENTION MILITAIRE DU SENEGAL EN GAMBIE : Une Opération Légitimement Attendue -PAR COLONEL SEYNI CISSÉ DIOP-

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Le 1er août 1981, le grand public apprit que les parachutistes de l’Armée sénégalaise venaient de sauter sur Banjul la nuit précédente. Le but de l’opération était de débarrasser Banjul des putschistes dirigés par un certain Kukoy Samba Sagna qui avait perpétré un coup d’Etat contre le Président Daouda Jawara.

L’opération fut une réussite. Le Président Jawara a été remis rapidement sur son fauteuil. A partir du 06 août toute la Gambie passa sous le contrôle de l’Armée sénégalaise. En fait le Sénégal n’avait fait que jouer son rôle de puissance dans son cercle intérêt stratégique, faisant ainsi respecter la légitimité   internationale. Le Président Abdou Diouf venait pourtant à peine de démarrer son premier mandat à la tète de l’Etat sénégalais. Aujourd’hui, 10 décembre 2016, 35 ans après la même situation semblable à plus d’un titre à celle de 1981, se rejoue. La première erreur stratégique consisterait à percevoir une quelconque différence non significative entre 1981 et 2016

En effet, seul les acteurs ont changé dans cette pièce qui devrait aussi connaitre la même issue vu que les mêmes facteurs déterminants sont encore réunis : un Président démocratiquement élu Adama Barrow est renversé aujourd’hui par un nommé Yayah Jammeh qui rappelle un certain Kukoy Samba Sagna et le rapport de forces est toujours en faveur du Sénégal. Les règles du droit des rapports entre les pays n’ont pas aussi changé entre temps. Le respect de la souveraineté des Etats consacré depuis Whestphalie est toujours de mise. Mais le devoir d’ingerence dans les affaires intérieures d’un Etat qui bafoue les droits humains élémentaires s’impose de plus en plus dans les relations internationales

Ainsi, il s’agit aujourd’hui pour le Sénégal de réparer l’erreur de 1994 qui avait consisté non seulement à observer passivement le coup d’Etat de Yaya Jammeh réussir facilement dans sa zone d’influence mais en plus à laisser par la suite se consolider impunément une dictature pendant plus de deux décennies.

Pour prendre la posture adaptée et faire jouer pleinement au Sénégal son rôle de puissance, ceux qui sont en charge de la politique de l’Etat peuvent se référer à trois stratèges pour prendre la décision d’intervenir militairement en Gambie et rétablir la légalité constitutionnelle bafouée au grand dam du peuple gambien dont le droit de choisir ses dirigeants a encore été bafoué. Au grand bonheur des observateurs de la scène internationale, de l’ONU garante de la paix et de la stabilité dans le monde et surtout des Gambiens que nous ne devrons plus laisser souffrir injustement d’une dictature sanglante, le Sénégal doit intervenir et favoriser l’installation d’Adama Barrow le nouveau président démocratiquement élu. N’est-ce pas une façon encore pour le Sénégal de contribuer à l’application de ‘’l’ingérence démocratique’’, et cette fois-ci encore au grand soulagement des Gambiens épris de justice et de paix. Le premier des stratèges convoqués est Carl Von Clausewitz qui démontre valablement que la guerre est la continuation de la diplomatie par d’autres moyens. Le Sénégal et la CEDEAO ont assez appuyé sur la pédale diplomatie. Il est temps que la diplomatie cède le pas à une force appropriée, légitimée par un mandat fort du chapitre 7.

Une promenade militaire rapide en Gambie est à notre portée mais sans esprit d’y rester comme après 1981 où le Sénégal , sans calcul stratégique y a créé une armée et une gendarmerie.

De grâce, analystes, chercheurs et surtout vous décideurs, ne surestimez pas la force de la Gambie dans votre étude des facteurs. Vous avez affaire à un nain que vous pouvez faire céder en moins de 48 heures, comme l’ont déjà démontré certains experts avisés en la matière et que le Sénégal a démontré en 1981.

Le deuxième stratège invité s’appelle Antoine Henri Jomini. Dans son ouvrage «Précis de l’art de la guerre»

publié en 1835, il nous décrit les formes de guerre que peut entreprendre un Etat , une principauté , un royaume ou un empire. Il ne s’agira pas pour le Sénégal de mener une guerre de convenance pour revendiquer des droits comme Louis XIV lors de la succession d’Espagne ou Frederick II de Prusse dans l’opération offensive qui lui permit de conquérir la riche Silésie. Pour ce cas précis concernant la Gambie de 2016, une sorte de pays à l’allure d’une province encerclée par le Sénégal, il ne s’agira pas d’envahir le territoire gambien mais de mener juste une intervention limitée, et dans des conditions favorables. Le risque zéro n’existe pas mais nous sommes bien loin de la situation de l’Autriche qui poussée plus par des sentiments (la reine Marie Antoinette originaire d’Autriche, épouse de Louis XIV avait été emprisonnée avant de passer sous la guillotine comme son mari ) s’est engagé dans une situation de confrontation. Le soutien à apporter à Adama Barrow légalement élu et même félicité par Yaya connaitra certainement une issue heureuse contrairement à celui apporté au Damel Madiodio par la colonne commandée par le Chef de Bataillon Faron qui assista même à son intronisation sur le trône du Cayor en mai 1861. Le rapport de force et la profondeur stratégique étaient en fait défavorables à l’Autriche. Ici, par contre, par rapport à la Gambie tous les indicateurs sont favorables au Sénégal qui peut attaquer sur plusieurs fronts et obliger l’ancien dictateur à se rendre ou à fuir comme le fit Kukoy en 1981.

Le troisième stratège Sun Tzu est demandé en fait sur la scène pour aider les concepteurs de l’opération à se nourrir de sa pensée. Ne dit-il pas que la meilleure des campagnes est celle qui consiste à emporter la victoire sans livrer bataille ? Aussi, en respect du pragmatisme du chinois Sun Tzu , il s’agira en fait de dérouler un rouleau compresseur jusqu’à Banjul à partir des frontières Nord et Est de la Gambie que nous contrôlons totalement. Cette manœuvre au finish prendra la forme d’un marteau et d’une enclume vu que les Gambiens sont somme toute déjà encerclés vu la configuration de leur territoire.

Cependant, il faudra laisser une voie de sortie à Yaya et aux fidèles de son régime pour éviter de transformer des chats en léopards prêts à tout pour sauver leur honneur. Sun Tzu l’a bien expliqué à la fin du chapitre 7 de son puissant opuscule toujours d’actualité malgré ses 2500 ans d’existence ; ce qui a donné l’occasion à beaucoup de sinologues et de stratèges à le commenter , à l’enrichir en mettant en évidence les stratagèmes applicables encore avec succès à notre époque. Un débarquement sur les côtes de Gambie pourrait contribuer certainement à forcer Yaya et ses fidèles à opter davantage pour un repli en direction de Kanilai son fief historique si la situation ne l’obligeait pas à capituler tôt ou qu’un événement inattendu ne mette fin à son aventure grotesque. En conclusion, la situation est favorable pour que le Sénégal au grand soulagement de la communauté internationale éprise de droit joue son rôle de puissance vis-à-vis de la Gambie dans le cadre de la restauration de l’état de droit. Les faucons du palais doivent être les plus écoutés cette fois-ci. La force devra être employée pour que les Gambiens acceptent le primat du Sénégal et s’engagent sans retour sur des politiques qui favorisent le développement du Sénégal, notamment la construction du pont de la transgambienne, la fin des tracasseries sur la route du sud et l’arrêt du soutien aux rebelles du MFDC. Si le Sénégal ne joue pas son rôle de puissance dans ce tournant crucial pour le peuple gambien, il sera un jour appelé au banc du tribunal de l’histoire pour répondre à l’accusation de non-assistance à peuple voisin en danger. Sa responsabilité devrait être prise en compte dans le décompte des victimes que le dictateur aurait eu à commettre. Le Sénégal n’est ni Israël, ni la France encore moins les Etas Unis qui contrôlent en permanence de manière musclée leur pré carré avec de puissants moyens militaires. Mais prenant en considération l’échelle de la Gambie, notre pays doit être positionné au même niveau que ces pays qui se sont engagés avec force au Liban, au Mali et au Panama.

A l’instar de ces pays et d’autres comme le Tchad récemment au Mali, nous devons assumer notre responsabilité et manifester encore au grand jour notre rôle de puissance en conduisant l’opération avec nos propres moyens. La diplomatie, par la voix du ministre des Affaires étrangères a condamné ouvertement le revirement de Yaya Jammeh montrant un Sénégal décidé à appliquer le droit d’ingérence pour la protection du peuple gambien et la défense de ses intérêts stratégiques. La communauté internationale responsable ne pourra que se réjouir de l’action efficace et limitée du Sénégal.

Ainsi, Kanilai, le fief de Jammeh peut bien être considéré comme l’objectif stratégique où l’application au  besoin d’une létalité suffisante est à prévoir si l’ancien dictateur décidait d’y jouer son baroud d’honneur.

Le scénario de non interventionnisme étant ainsi exclu vu l’engagement du Sénégal à contribuer pour la paix et la stabilité en Afrique en particulier ,nous pouvons certainement espérer qu’après le rétablissement rapide des autorités gambiennes légales renaisse une Sénégambie aux intérêts convergents acceptés de manière durable par les deux parties inséparables que sont le Sénégal et la Gambie.

Dakar le 10 Décembre 2016

Colonel (cr) Seyni Cissé Diop

Consultant en Défense et Sécurité
Manager Général du cabinet Défense et Sécurité ‘’GS7S’’

www.gs7solutions.com

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