RÉCIT –

L’actuel premier ministre a été désigné pour être le candidat du parti de Macky Sall à la présidentielle.
Fin des spéculations au Sénégal. Amadou Ba,l’actuel premier ministre, remplacera Macky Sall à la tête de la coalition présidentielle Benno Bokk Yaakaar (BBY).

L’actuel président sénégalais a fait part de son choix, deux mois après avoir annoncé qu’il ne se représentera pas pour un troisième mandat.

À six mois de l’élection présidentielle,Amadou Ba se retrouve donc propulsé au-devant de l’arène politique. Habituellement discret et à l’écart des médias, l’ancien directeur général des Impôts et domaines devra sortir de l’ombre pour séduire une population majoritairement jeune, frustrée par le chômage,l’inflation et la corruption…

Accusé d’opportunisme

Depuis 2013, l’ancien argentier de 62 ans enchaîne les postes au sein du gouvernement de Macky Sall.

Ministre des Finances, puis des Affaires étrangères et enfin premier ministre depuis 2022, il était un des favoris pour incarner le candidat du pouvoir lors de l’élection présidentielle de février 2024.

Un choix «logique» selon certains observateurs,mais qui reste audacieux.

Au sein de la coalition BBY, Amadou Ba est loin de faire l’unanimité et sa désignation génère des divisions qui pourraient fragiliser le camp présidentiel.

Le ministre de l’Agriculture, Aly Ngouille Ndiaye, a démissionné quelques heures après l’annonce de Macky Sall.

D’autres ont fait part de leurs candidatures dissidentes, comme Mame Boye Diao, directeur général de la Caisse des dépôts et consignations.

Amadou Ba est né à Dakar, où il a suivi des études en sciences économiques.

Depuis sa jeunesse, il est perçu comme un homme «calme et poli», qui apprécie les débats politiques. «Il voulait toujours axer sa réflexion sur des moyens pratiques et concrets de sortir les populations de la pauvreté», se souvient Fallou Ndiaye, un ami d’adolescence.

Mais au sein de la coalition BBY, certains soulignent sa faible expérience en matière de campagnes électorales

. «Ses détracteurs, y compris au sein du parti, estiment qu’il n’a pas de légitimité historique, contrairement à ceux qui ont pris des risques, qui ont combattu le régime du Parti démocratique sénégalais d’Abdoulaye Wade, qui ont fait la campagne de Macky Sall en 2012», remarque Babacar Ndiaye, analyste politique et directeur de recherche pour le think-tank WATHI.

Amadou Ba arrive sur la scène politique en 2013 en tant que ministre des Finances.

Il n’a donc pas participé à la «traversée du désert» de Macky Sall à partir de 2008, lorsque ce dernier quitte le parti du président Abdoulaye Wade pour créer sa propre formation politique.

Accusé d’opportunisme par certains, Amadou Ba devra prouver qu’il a les épaules pour mener une campagne hautement compétitive.

Sa base politique actuelle se limite surtout aux Parcelles Assainies dans la région dakaroise.

Pour mieux se faire connaître, et s’éloigner de son image de fonctionnaire aisé, il devra mener une campagne de terrain ambitieuse, alors que ses rivaux s’y affairent depuis plusieurs mois.

C’est le cas, par exemple, d’Aminata Touré, ancienne première ministre, ou de l’opposant Malick Gackou.

De vives critiques

L’énarque devra aussi effectuer un travail d’équilibriste pour s’inscrire dans la continuité du président actuel, malgré un bilan critiqué.

Amadou Ba pourra s’appuyer sur son expérience au sein du gouvernement, où il a piloté le Plan Sénégal émergent (PSE), lancé en 2014 pour accélérer le développement du pays.

Ce projet phare de la présidence de Macky Sall a vu naître d’importants chantiers d’infrastructures, en partenariat avec des entreprises étrangères, parfois françaises, telles qu’Eiffage ou la SNCF. La négociation de ces contrats a permis à l’ancien ministre des Finances d’épaissir son carnet d’adresses à l’international.
«Amadou Ba est un réformateur, il a géré des dossiers ambitieux», assure Khadidiatou Bousso Diop, sa proche collaboratrice depuis 2006 et actuelle conseillère en communication, qui décrit un ministre «travailleur» et «méthodique».

Mais le camp présidentiel fait aussi l’objet de vives critiques, dont Amadou Ba pourra difficilement se dissocier.

Détournements des fonds de riposte contre le Covid, hausse du coût de la vie, accusations de dérives autoritaires…

Depuis 2021, plusieurs manifestations violentes ont éclaté pour dénoncer les procédures judiciaires à l’encontre du principal opposant Ousmane Sonko, arrêté en juillet.

Amadou Ba est resté en grande partie silencieux sur ces événements.

Une réserve qui lui a valu des critiques, mais qui pourrait séduire les électeurs indécis grâce à son image de technocrate loin des polémiques.

Le scrutin présidentiel de 2024 est considéré comme un des plus ouverts dans l’histoire du Sénégal: en l’absence du président sortant et d’Ousmane Sonko, déclaré inéligible, rien n’est joué.

S’il veut avoir une chance, Amadou Ba devra sortir de sa réserve et montrer aux Sénégalais quel président il veut être.

Par Maria Gerth-NICULESCU

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