Années charnières au Sénégal (2021-2024): Qui a tué les morts ? Par Babou Biram Faye

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Le Sénégal est à la croisée des chemins. Durant la période de 2021 à 2024, le Sénégal a connu des bouleversements politiques et sociaux sans précédent. Le pays, souvent perçu comme un bastion de stabilité en Afrique de l’Ouest, a traversé une série de crises qui ont mis en péril son équilibre démocratique.

Le point de départ de ce climat tendu fut l’affaire Sweet Beauty, impliquant Ousmane Sonko, figure de l’opposition, et Adji Sarr, une masseuse qui l’a accusé de viol en 2021. Cette affaire marquera le début d’une série de confrontations entre l’opposition et le pouvoir en place, menant à des affrontements violents et de profondes divisions sociales.

L’affaire Sweet Beauty : une onde de choc politique

En 2021, l’accusation de viol portée par Adji Sarr contre Ousmane Sonko, leader du parti Pastef-Les Patriotes, a secoué le Sénégal. L’affaire a non seulement divisé la société mais a également catalysé des manifestations massives. Beaucoup considéraient cette accusation comme une tentative de Macky Sall, alors président, pour éliminer un rival politique en vue de la présidentielle de 2024.

Réactions et mobilisation

Les manifestations de 2021 ont dégénéré en émeutes violentes, marquées par une répression sévère des forces de sécurité. La mort de nombreux manifestants, souvent de jeunes protestataires, a marqué l’opinion publique et renforcé le sentiment de colère contre le régime de Macky Sall. Ces événements ont accentué la perception d’un système judiciaire politisé, utilisé pour affaiblir l’opposition.

Les nouvelles voix du peuple

Ousmane Sonko, perçu comme l’incarnation du changement et de la lutte contre la corruption, a mobilisé une base jeune et déterminée. Le soutien populaire dont il jouissait, en dépit des accusations, montrait la défiance grandissante envers les institutions traditionnelles. Les réseaux sociaux ont joué un rôle crucial, permettant aux militants de coordonner des actions et de sensibiliser le monde entier aux événements au Sénégal.

L’impact des influenceurs et journalistes indépendants

Des journalistes comme Pape Alé Niang ont documenté les exactions et les manifestations, dévoilant les incohérences dans le traitement judiciaire de l’affaire. Les activistes en ligne et les figures médiatiques ont donc été des catalyseurs de la mobilisation, amplifiant la voix des jeunes et des marginalisés.

Les crises qui forgent l’histoire

De 2021 à 2023, chaque arrestation ou comparution d’Ousmane Sonko a donné lieu à des manifestations violentes. Les affrontements ont causé des dizaines de morts, créant un climat de deuil et de colère. Des figures symboliques comme ces jeunes tués lors des émeutes sont devenues des martyrs de la cause, alimentant la question centrale : « Qui a tué les morts ? », soulignant l’impunité qui régnait.

Les répercussions économiques et sociales

La pandémie de COVID-19, combinée à l’instabilité politique, a affaibli l’économie sénégalaise. La flambée des prix due à la crise ukrainienne de 2022 a encore accentué les inégalités. Pendant ce temps, le sentiment d’injustice et d’abandon a renforcé le soutien à des figures comme Ousmane Sonko, qui promettaient de rendre le pouvoir au peuple.

Le procès et la sortie de prison

L’emprisonnement de Sonko et de Bassirou Diomaye Faye en 2023 a été perçu comme une tentative ultime du régime pour maîtriser l’opposition. Cependant, la pression nationale et internationale a mené au fameux Protocole du Cap Manuel, un accord sous lequel Ousmane Sonko et Bassirou Diomaye Faye ont été libérés en 2024. Ce document secret, symbolisant un compromis entre les puissances politiques, a suscité des débats houleux sur sa légitimité et ses conséquences.

La loi d’amnistie : une controverse politique

Pour calmer la situation, une loi d’amnistie a été adoptée, permettant à Ousmane Sonko et Bassirou Diomaye Faye de retrouver leur liberté et de concourir aux élections. Cette décision a polarisé le pays : pour certains, elle représentait un signe de réconciliation ; pour d’autres, elle montrait un affaiblissement de l’État de droit.

L’art au service de la mémoire collective

Des artistes, musiciens et écrivains se sont mobilisés pour raconter les événements de cette période troublée. Des chansons engagées ont vu le jour, rendant hommage aux « morts invisibles » et rappelant le prix à payer pour le changement. Des écrivains ont également publié des témoignages poignants, ancrant cette période dans la mémoire collective.

Les élections législatives et la montée de Pastef

En 2024, le triomphe de Pastef-Les Patriotes aux législatives a marqué un tournant historique. Le parti, fort de ce soutien populaire, a eu l’opportunité de peser lourdement dans l’avenir politique du pays.

Sonko à l’Assemblée nationale ou à la primature ?

Si Ousmane Sonko décidait de rester à l’Assemblée nationale, il pourrait catalyser des réformes législatives majeures. Cependant, s’il optait pour la primature, il pourrait représenter une force exécutive redoutable, influençant directement la politique intérieure et extérieure.

Scénarii possibles

Scenario optimiste : Une coalition réussie entre Pastef et d’autres forces politiques permettrait une réforme constitutionnelle et une stabilité accrue.

Scenario mitigé : Des tensions internes ou des désaccords sur les priorités pourraient freiner l’élan de changement.

Scenario pessimiste : La persistance de la défiance mutuelle entre l’opposition et l’ancien régime pourrait déclencher de nouvelles crises.

Les leçons des morts, le souffle des vivants

Les morts des années 2021-2024 rappellent que chaque lutte pour la justice laisse des cicatrices profondes. « Qui a tué les morts ? » deviendra une question qui résonnera à travers les générations, interrogeant non seulement la responsabilité politique, mais aussi la capacité d’une nation à tirer les leçons de son passé pour construire un avenir plus juste.

Les attentes

Pour mieux comprendre ce que l’on peut attendre des principales figures politiques sénégalaises et de leurs implications sur l’avenir du pays après les événements de 2021 à 2024, il est crucial d’analyser leurs postures et les défis auxquels ils font face. Voici un aperçu des perspectives de chacun et de la meilleure conduite à tenir pour assurer la stabilité et le développement du Sénégal.

Le Président Diomaye Diakhar Faye

Élu après une période de troubles marquée par des confrontations violentes et des mouvements de contestation, le président Diomaye Diakhar Faye représente l’espoir d’un nouveau départ pour une large part de la population. Sa présidence devra être marquée par :

Réconciliation nationale : Le président devra favoriser le dialogue entre toutes les parties politiques et sociales pour guérir les divisions profondes laissées par les années précédentes. Des initiatives de réconciliation, comme des commissions vérité et réconciliation, pourraient aider à apaiser les tensions.

Renforcement des institutions : Pour éviter la répétition des crises politiques, il est nécessaire de restaurer la confiance dans les institutions étatiques. Le renforcement de l’indépendance du système judiciaire et la lutte contre la corruption seront cruciaux.

Réformes économiques : Améliorer l’économie en mettant l’accent sur l’inclusion et le soutien aux jeunes et aux entrepreneurs sera essentiel pour éviter que la frustration sociale ne se transforme en agitation.

Le Premier Ministre Ousmane Sonko

En tant que leader charismatique et figure centrale de la contestation des années précédentes, Ousmane Sonko aura un rôle déterminant à jouer :

Stabilité et gouvernance : Son rôle de Premier ministre doit être axé sur la mise en place de réformes concrètes pour répondre aux aspirations de sa base et de la population en général. Cela comprend des politiques visant à améliorer la transparence et à rendre le gouvernement plus accessible.

Coordination des réformes sociales : Sonko devra promouvoir des réformes sur des questions telles que l’éducation et la santé, des domaines souvent négligés mais vitaux pour un développement équilibré.

Gestion des attentes : L’une de ses plus grandes difficultés sera de gérer les attentes élevées de ses partisans tout en maintenant un consensus au sein de la coalition.

L’opposition et l’ancien Président Macky Sall de Taku Wallu

Macky Sall, en tant qu’ancien président et leader influent de l’opposition au sein de Taku Wallu, reste une figure importante dans la sphère politique :

Veiller à l’équilibre des pouvoirs : Macky Sall pourrait jouer un rôle constructif en promouvant une opposition loyale, qui critique mais contribue aussi aux réformes nécessaires pour la stabilité du pays.

Reconstruire son image : Après les accusations d’autoritarisme et les crises sous sa présidence, il devra démontrer qu’il est capable de contribuer positivement à la démocratie sénégalaise en se montrant ouvert au dialogue.

Encadrement de la nouvelle génération politique : En tant que leader expérimenté, Macky Sall peut jouer un rôle dans la transmission de son expertise à de jeunes politiciens qui façonneront l’avenir.

Amadou Ba et JAMM AK NJARIN

L’ancien Premier ministre Amadou Ba, à la tête de la coalition JAMM AK NJARIN, devra se positionner en tant qu’acteur influent mais constructif :

Soutien aux initiatives de paix : Amadou Ba pourrait aider à stabiliser le climat politique en promouvant des initiatives qui renforcent le dialogue entre le gouvernement et l’opposition.

Propositions économiques concrètes : En tant qu’ancien Premier ministre, il a l’expérience de la gestion économique. Il devra mettre cette expertise au service de solutions pratiques pour l’emploi et la réduction de la pauvreté.

Rassemblement de diverses factions : Sa position pourrait lui permettre de créer des ponts entre les différents blocs politiques, ce qui pourrait être essentiel dans un pays fragmenté.

Barthélémy Dias et Samm Sa Kaddu

Le maire de Dakar, Barthélémy Dias, connu pour son franc-parler et sa position ferme contre l’injustice, incarne une opposition dynamique et vigilante :

Promotion des intérêts locaux : En tant que maire, il devra continuer à défendre les intérêts de Dakar tout en participant au débat national.

Vigilance démocratique : Sa capacité à dénoncer les abus de pouvoir et à maintenir la pression sur le gouvernement pour qu’il respecte la transparence et l’équité sera essentielle pour l’équilibre démocratique.

Coalitions stratégiques : En formant des alliances stratégiques, Barthélémy Dias pourrait contribuer à la stabilisation du climat politique, tout en garantissant que l’opposition reste un acteur clé dans le processus de décision.

Meilleure conduite à tenir pour l’avenir du Sénégal

Pour garantir un avenir stable et prospère, il est nécessaire que les principaux leaders politiques adoptent les stratégies suivantes :

Dialoguer et coopérer : Toutes les parties doivent s’engager dans un dialogue ouvert pour trouver des solutions aux problèmes structurels du pays. Le respect mutuel et la volonté de compromis doivent être au cœur de cette approche.

Renforcer la démocratie : Le renforcement des institutions démocratiques, y compris l’indépendance du pouvoir judiciaire et la transparence électorale, doit rester une priorité.

Priorité aux réformes économiques et sociales : Un programme qui inclut des investissements dans l’éducation, l’emploi des jeunes et l’amélioration des infrastructures de santé contribuera à apaiser les frustrations populaires.

Rassembler autour d’un projet commun : La création d’un projet national consensuel où chaque acteur politique, qu’il soit au pouvoir ou dans l’opposition, contribue à un Sénégal inclusif et prospère.

En résumé, il est impératif que chaque acteur politique mette l’intérêt national au-dessus des considérations partisanes pour bâtir un Sénégal fort, stable et prospère.

                       BBF

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