Sénégalaiseries: La caverne de PASTEF et ses quatre mille auteurs (Par Ibou Fall)
C’est bien au moment où personne n’attend plus le fameux « Projet » seriné par les pontes de PASTEF depuis une décennie, qu’il nous sort du chapeau de… Victor Ndiaye, smart patron du cabinet Performance. Ce brave homme aurait déjà travaillé sur le PSE de Macky Sall, dont l’horizon ambitieux fixe ses limites en 2035 avant de caler malencontreusement en 2024.
Ça tombe bien, le président Diomaye Faye et son inévitable Premier ministre, d’un optimisme béat, poussent le bouchon bien plus loin, jusqu’en 2050 et c’est toujours ce bon Monsieur Victor Ndiaye, dans le même élan aussi républicain que patriotique, qui s’y colle.
Il y en a qui sont nés sous une bonne étoile…
Le hic est que le document en question, présenté au Centre international de Conférences Abdou Diouf, CICAD, —un des éléphants blancs de ce faussaire sanguinaire de Macky Sall— représenterait le condensé de la réflexion profondément patriotique que produisent en dix ans de travail acharné les quatre mille cadres de PASTEF…
Sur internet, au constat de ce petit chef d’œuvre d’une vingtaine de pages au romantisme désuet de banales généralités et de rêveries champêtres rassemblées sous l’apparence d’un robuste baobab, un esprit chagrin se permet ce commentaire mesquin : « Chacun des cadres de PASTEF doit avoir cotisé une syllabe… ».
Je ne sais pas vous mais pour moi, le Référentiel Sénégal 2050 a quelque chose de surréaliste : pour une vision, vingt-cinq ans, c’est court et pour un programme, c’est bien long…
Cette semaine passée est l’occasion que ne manque pas le Premier ministre pour illustrer ses désaccords avec les accords malvenus et les liaisons interdites. Après ses retentissantes déclarations devant l’ambassadeur du Japon et le président de l’agence de coopération nipponne, JICA, au sujet des « déclinaisons quinquennaux » ou « décennaux », le chef du gouvernement enchainera devant le parterre des invités au CICAD, pour nous présenter les « quatre z’axes » du Référentiel Sénégal 2050…
Après « France dégage », c’est français fous-le-camp ?
Si les électeurs renvoient PASTEF et son gourou dans l’opposition parlementaire le 17 novembre 2024, le futur ex Premier ministre Ousmane Sonko qui aura alors gouverné sept mois et demi, pourra se retrancher au Parlement.
Il siègera, au mieux, à la tête de son groupe parlementaire où il pourra batailler aux côtés du truculent Guy Marius Sagna, mais surtout du pittoresque Bara Ndiaye, médiatique voyant extralucide à ses heures perdues.
Pause chiottes. Le journalisme est un métier ingrat : il faut bien que quelqu’un parle aux électeurs d’un de leurs futurs représentants des plus psychédéliques…
Le fantasque négociant est spécialisé en redoutables poudres et ceintures cabalistiques qui vous évitent les inexplicables revers du sort. Il faut croire que son petit commerce de miracles marche : d’apothicaire maigrichon à la noirceur d’ébène et à l’audimat confidentiel, le brave charlatan passe en un clin d’œil au rang d’influenceur intrépide que les télés obscurantistes courtisent, sous les apparences d’un opulent et pâlot diseur de boniments aux joues rebondies, qui s’apprête à acquérir l’immunité parlementaire. Sait-on jamais ? Pour peu que ses ceintures miraculeuses, « ndombo » en langue vernaculaire, ne suffiraient plus à l’épargner du mauvais sort… Croire en Dieu, c’est bien mais faut-il absolument Lui faire confiance ?
Escale dans le futur : avec pareil énergumène dans l’équipe, le contrôle de l’action gouvernementale par les futurs opposants pastéfiens est assuré.
Ousmane Sonko confiné au Parlement, ce ne serait qu’un retour à la case départ, là où l’irrésistible ascension du patriote ultime commence, alors qu’il dénonce les errements du régime de Macky, depuis les enveloppes clandestines aux députés, jusqu’aux titres fonciers valsant de proprios illégitimes en mandataires illégaux.
J’en vois qui sursautent, rien qu’à cette idée saugrenue : le Premier ministre Ousmane Sonko, renvoyé à l’opposition parlementaire dès le 17 novembre 2024… C’est pourtant la mission que Macky Sall se fixe en renonçant à son fromage parisien des « Quatre P » et sans doute quelque autre strapontin onusien récemment annoncé. A-t-il vraiment le choix ? Au micro des confrères de Bloomberg TV, ce serait un élan disons, euh, patriotique, qui le pousserait à revenir en politique pour « renforcer » l’opposition.
Faut-il en rire ou en pleurer ?
La vérité est bien plus triviale : depuis que PASTEF est au pouvoir, les attaques ne cessent pas sur sa calamiteuse gestion, sa douteuse probité, voire sa sanguinolente cruauté. Son agression par une certaine Aïssa Camara dans le vol de la Royal Air Maroc n’en est qu’un avant-goût…
L’ancien président, à les en croire, serait responsable du carnage des quatre-vingts jeunes défenseurs des libertés, en plus d’impardonnables malversations, et autres crimes inavouables qui pourraient relever de la haute trahison. D’ailleurs, l’une des figures de proue de l’actuel régime, El Malick Ndiaye, qui n’a pas peur des mots, plaide pour la mise sur pied d’une haute cour de justice pour faire expier à Macky et son gang, leurs forfaitures.
Il n’y a qu’une majorité absolue au Parlement qui serait en mesure de les mettre en accusation, lui et ses sbires, avant de les traîner devant un peloton d’exécution après rétablissement de la peine de mort, sans doute. Au mieux, Ousmane Sonko et son gouvernement passeraient leur temps à révéler ses méfaits de telle sorte que plus aucune institution internationale ne souhaiterait mêler le nom de Macky Sall à son image et sa réputation. La preuve, quand une Sénégalaise mal mouchée l’agresse, c’est du côté de l’insolente que le gouvernement manifeste sa solidarité.
Dans l’opposition actuelle, Macky Sall sera en bien agréable compagnie : Bougane Guèye Dany, Barthélémy Dias, Serigne Moustapha Sy, Thierno Alassane Sall pour les plus virulents… On les voit d’ici échanger des accolades et se faire des mamours, moins d’un an après leurs désamours pétaradants.
Il y aura également les retrouvailles torrides avec ses anciens camarades de régiment et des années de bohème, le PDS, et plus généralement la famille politique du père Wade, dont la séparation douloureuse alimentera les faits divers et fera les choux gras des journaux à sensation.
Et puis, cerise sur le gâteau, ce bon Macky croisera sans doute son ancien Premier ministre et candidat à sa succession au Palais, Amadou Bâ, avec lequel les relations sont passées de chaleureuses à polaires ; il leur faudra bien s’expliquer, au besoin, sur les courts-circuits de la présidentielle de 2024, pour enrayer les dangers qui les guettent tous deux. Si PASTEF contrôle la majorité à l’Assemblée nationale, ils iront en tandem devant une haute cour de justice acquise à la vérité des vainqueurs, avant d’aller au purgatoire, bras dessus, bras dessous, de préférence…
Entretemps, ces sept derniers mois, il faut reconnaître qu’on ne se sera pas ennuyé une minute : par exemple, les nominations hautes en couleurs, dont les dernières concernant quarante-cinq militants de PASTEF qui poussent le sacrifice suprême du patriote jusqu’à lâcher de brillantes carrières dans l’oisiveté ou le chômage, afin de s’essayer à l’ingrate fonction de chargés de mission à la Présidence.
Pour mettre de l’ambiance, on peut aussi relever les controverses étalées sur la place publique dans la gestion de l’ONAS dont le DG sortant accuse publiquement le ministre de tutelle de l’avoir viré pour refus de passer un marché de gré à gré avec ses protégés ; on a beau tendre l’oreille du côté du ministre Cheikh Tidiane Dièye, ça ne laisse même pas échapper un soupir…
Les grandes douleurs sont muettes, c’est connu.
Si ce n’était que ça : à l’Agence d’Électrification rurale, ASER, également, ça a le sentiment d’être devenu, non pas la caverne de PASTEF et ses quatre mille auteurs mais une auberge espagnole avec des questions gênantes à propos de plusieurs milliards de francs CFA que des Hispaniques auraient déjà versés pour l’exécution d’un contrat et demandent quel sort est réservé à leurs investissements.
Une zizanie qui voit le limogeage du gendarme suprême de la Commande publique, le patron de l’ARCOP, et que couronne la sortie de la ministre de la Femme. Maïmouna Dièye, qui n’a pas froid aux yeux, prend le relais de Yassine Fall cette semaine, question déclarations rigolotes : « Même si tu avais détourné cet argent, tu t’en fous ! », défend-elle publiquement Abasse Fall, le patron de PASTEF à Dakar au cœur de la polémique que le journaliste Adama Gaye, vachement énervé ces dernières années, alimente depuis son exil.
Comme si ça ne suffisait pas, ne voilà-t-il pas qu’Abdoul Mbaye, ancien banquier de renom et ex Premier ministre sous Macky Sall, qui voit la fin du régime sortant avec un plaisir non feint, se fait du mouron pour un prêt de l’actuel Exécutif en eurobonds, soit quatre-cent-cinquante milliards de francs CFA. Une opération que le FMI trouve sans objet, à laquelle personne ne fournit de réponse concernant l’absence d’appel d’offres et le paiement d’éventuelles commissions que devraient percevoir ses initiateurs…
C’est au beau milieu de cette ambiance de cabaret que le président Bassirou Diomaye Faye se permet quelques mots sur leur obligation d’exemplarité et les risques de désenchantement des Sénégalais. Il met en garde les contrevenants qui ne doivent pas compter sur une quelconque solidarité gouvernementale…
La campagne pour les législatives, qui démarre le 27 octobre, est presque lancée : dans cette auberge espagnole aux allures de caverne d’Ali Baba qui nous sert de scène politique, il ne manque que la touche féministe… Par exemple, une p’tite vidéo sympa d’Adji Sarr en sulfureux déshabillé rouge sang pour motiver les candidats, ça en jetterait !