Le paradoxe Sénégalais ! (Par Ousseynou KEÏTA)

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Le paradoxe sénégalais
Seul pays de tout le continent africain et probablement l’un des rares dans le monde à n’avoir pas connu de bouleversement inconstitutionnel trivialement dénommé coup d’état depuis son accession à l’indépendance le Sénégal s’est forgé au fil du temps et de la pratique une expertise et une carapace démocratiques qui résistent en dépit de tout aux secousses et perturbations qui n’ont manqué de jalonner la vie politique du pays,et conforte de ce fait son expérience en la matière et s’affirme en tête de proue incontestée de la démocratie dans un continent encore en proie à l’instabilité institutionnelle à la démesure et à la gestion émotionnelle pour ne pas dire épidermique du pouvoir.
De Senghor à macky Sall en passant par diouf et wade les présidents se sont succédés dans la dignité le faire play et en dépit de quelques turbulences à la transmission pacifique du pouvoir .
Senghor a eu l’avantage dans le prolongement de l’œuvre de mamadou dia de bâtir de solides institutions et de veiller à leur fonctionnalité. En même temps il a initié et promulgué des lois qui ont permis de juguler l’inflation et d’assurer l’efficience de la qualité des produits dans la jeune république où il fut bon vivre.
Il a posé des actes novateurs dans l’agriculture jeté les bases d’une industrie embryonnaire et fait de l’école sénégalaise une école de référence .
Abdou diouf ayant il est vrai de manière successorale pourrait-on dire hérité du pouvoir selon la volonté de son prédécesseur qui prit cependant soin de faire modifier la constitution pour l’insertion d’une disposition expresse conçues à cet effet et rendant la relève moins rébarbative et moins suspecte s’est employé à la modernisation et à la consolidation des institutions de la république tout en renforçant les structures et unités économiques de base . Dans la mise en œuvre de cette stratégie il s’est souvent heurté il est vrai en initiative tout comme en acte ,dans une ambiance morose d’ajustement structurel permanent ,au veto des institutions de bretton woods qui finirent d’ailleurs par lui assener le coup de grâce sous l’emprise de la dévaluation suivie de la déréglementation , ce machin qui a fragilisé puis perforé le mince tissu industriel en recomposition au contour d’un cynique transfert de compétence inapproprié du public au privé laconiquement dénommé privatisation sans garantie préalable ni exigence de performance.
Ablaye wade se singularisa par son opposition farouche et courageuse au dictat des institutions financières sus évoquées et la liberté qu’il prenait à faire valoir ses idées et projets ainsi que la détermination qu’il mettait à les faire aboutir sans s’embarrasser outres mesures de considérations ni d’observations indécentes et intempestives des bailleurs de fonds encore moins d’idéologie ou de règles doctrinaires .
Les réalisations substantielles à son actif pourraient de ce fait être qualifiées par eux de répugnants mais résultent en partie et fort heureusement de cette audace et de cet état d’esprit non conformistes et imprévisibles qui lui permirent d’enjamber allègrement les interdits sans trembler et de conduire à sa guise son propre programme.
Ainsi donc chacun des trois premiers présidents tenant compte de l’ambiance générale des exigences du moment et des pesanteurs aussi bien endogènes qu’exogènes qui s’exerçaient de façon inextricable sur l’environnement politique économique et social trouva les moyens d’un exercice certes difficile tempéré et quelque fois inclusif d’un pouvoir sacerdotal dans un pays compliqué parce que composé d’hommes et de femmes intelligents très tôt au fait des réalités fortement imprégnés des principes et notions universels de liberté de démocratie et très attaché aux droits humains réactifs à volonté et souvent proactifs ce qui leur évite d’être pris à défaut de prévenir les coups et d’anticiper sur les événements.
Chacun de ces présidents s’est vu logiquement accréditer au terme de son mandat par les amis sympathisants voire thuriféraires d’un bilan positif parfois surévalué pendant que les adversaires les jettent sans états d’âme au pilori pour insuffisance de résultats , si ce n’est de gestion prétendument gabegique entre autres.
Le plus inattendu des quatre fut sans aucun doute Macky Sall par son parcours atypique et dont l’accès à la magistrature suprême surprit plus d’un. Nous ne déflorons point un secret en révélant que nous comptions bien jusqu’aux derniers instants de son sacre parmi les sénégalais fort nombreux qui ne donnaient pas cher de sa peau. Plutôt que de gloser sur sa jeunesse relative comme argument de campagne par opposition à ses adversaires plus âgés donc écornés par l’usure du temps et trempés peut-être directement ou indirectement dans des affaires nébuleuses , comme feraient et comme font d’autres , il sût en bon scientifique et stratège mettre en facteur ses insuffisances,attendre stoïquement et patiemment son heure et Il faut bien l’avouer , surfer miraculeusement sur la porte laissée béante par l’impossible entente au sein de BSS dont la désunion de dernière minute des frères ennemis lui balisa le chemin d’une victoire au commencement improbable devenue des lors inéluctable.
Une fois les commandes en sa possession l’homme prit la main, trouva goût à l’innovation et se familiarisa avec la création passant comme en séance de TD à la mise en œuvre pratique des connaissances accumulées au fil des années ,laissa découvrir des talents insoupçonnés de manager et de bâtisseur mis à profit sa grande expérience administrative acquise à la tâche pour s’empresser de poser des actes de développement de grande portée dans tous les domaines d’activités.
Plus que Diouf Senghor et Wade il sut, aidé en cela par son cursus et son statut de technicien concepteur et maître d’ouvrage , identifier les actions édificatrices ponctuelles et ciblées au détriment d’une approche globalisante qui inhibent les actes concrets de développement dans le cliquetis assourdissant et pesant des contraintes et interdits stupides érigés en règles par les bailleurs de fonds pour mieux contrôler ou plus exactement empêcher le développement.
Ingénieur de formation il eut donc tout naturellement une inclinaison forte vers la conception et la réalisation d’œuvres aux antipodes de ses aînés et prédécesseurs préoccupés plutôt actualité oblige,qui pour soigner l’image de marque du pays nouvellement émancipé mettant l’accent sur la théorie des cercles concentriques en temps que nouvelle orientation diplomatique et étalant aux yeux du monde la parfaite maîtrise des sénégalais de la langue de Molière dans le souci de convaincre et de forcer l’admiration et le respect de l’ancienne puissance colonisatrice et du reste du monde, qui se démêlant comme un beau diable dans les mailles impénétrables de l’ajustement structurel voire la dévaluation , parvenant au prix d’une rigueur étouffante à rétablir les équilibres macroéconomiques et à ramener les clignotants au vert mais perdit l’estime du peuple sous l’effet conjugué de la fracture sociale et des pesanteurs,socio-économiques,qui enfin tel Madiba s’évertuant à prouver aux yeux des sénégalais qu’ils ont eu tord maxima tord à avoir mis du temps à l’investir , engagea une course contre la montre ou contre le temps dont il ne put atteindre le terme.
Macky dans un rôle ,plutôt un envol de bâtisseur amorcé sous l’aile de son mentor qui entreprit sous sa conduite en qualité de chef du gouvernement la nouvelle aire de conception et de mise en œuvre de travaux d’utilité publique allant de la modernisation des espaces publics à la construction de routes et de ponts désenclavant totalement le pays et accroissant de facto considérablement les facultés de mobilité élément essentiel de performance et de progrès.
De la modernisation du building administratif devenu subitement intelligent à l’érection des sphères ministérielles de diamniadio beaucoup de réalisations ont vu le jour
Prendre son petit déjeuner à Dakar et aller faire la sieste à ziguinchor n’est plus un rêve mais bel et bien une réalité
Le même phénomène pourrait se reproduire sous peu sur l’axe Dakar Nouakchott
Toutes les régions du pays sont inter connectées par un réseau routier de dernière génération qui en rendent l’accès facile et agréable à tout moment.
La mobilité urbaine casse tête des résidants de Dakar est en passe d’être résolue par le renforcement du parc DDD la mise en service effective du TER et son extension envisagée vers Blaise , Diagne et celle probable du BRT
Le train va siffler à nouveau ,d’importantes acquisitions ont été faites à cet effet,brisant le silence assourdissant imposé par la déréglementation pour réveiller et réinitialiser les réseaux économiques dormants tout au long de la ligne du chemin de fer.
La modernisation des cités religieuses l’un des programmes les plus ambitieux offre un cadre attrayant aux nombreux fidèles à l’occasion des journées de grands rassemblements .
L’égalité des chances instituée comme élément fondamental de la stratégie de développement par l’extension et le renforcement de la politique sociale.
Le programme d’urgence de développement communautaire PUDC pour l’amélioration significative des conditions de vie des populations par la satisfaction de la demande sociale croissante.
Les infrastructures sportives de dernière génération permettant une pratique sportive d’élite dans un pays de sportifs d’élite donne du contenu du sens et de la raisonnance à la fabuleuse victoire des lions à la dernière can .
L’ économie Senegalaise a retrouvé sa trajectoire de croissance d’avant pandémie grâce à la vigueur de la production industrielle et du secteur des services . La croissance du PIB réel est estimée à 6, 1 pour cent.
La découverte du pétrole et du gaz ressources stratégiques d’importance va impacter positivement l’économie et booster les capacités d’investissement donc de développement
La gestion hautement professionnelle et responsable de la pandémie (Covid 19) permit d’éviter le pire et de circonscrire les dégâts dans leur plus faible expression .
Malgré ces avancées significatives Macky ne semble pas réunir encore l’assentiment des sénégalais au tour de sa stratégie ainsi que de son projet de conduire le pays vers une croissance soutenue et durable prélude à l’émergence tant désirée.
Paradoxalement d’ailleurs plutôt que de s’enorgueillir ,et ce serait juste et mérité , de leur sort fort enviable dans une Afrique malade de ses contradictions et égarements certains sénégalais poussent le bouchon jusqu’à soutenir les anti modèles putschiste ou dictateur dans le but politique peut-être d’embarrasser l’adversaire et disons le nonobstant les dangers pouvant résulter de tels comportements.
D’autres n’hésitent pas à emprunter un terrain plus glissant et plus dangereux encore, l’ethnicisme , ostrasisant ,au passage des populations paisibles dont le seul tort aura été de choisir de manière non équivoque leur camp et de l’assumer dans le pays berceau originel du rendez-vous du donner et du recevoir chantre du brassage des cultures et de la civilisation de l’universel, pays de la Teranga.
Pourquoi en est- on arrivé là ?
L’organisation ou plutôt l’inorganisation du parti du président L’APR qui telle une armée mexicaine désorganisée avec une multitude de donneurs d’ordres incohérents bref un ensemble où tout le monde dispose d’un rôle ,en l’absence d’un véritable leader, si elle a pu prospérer jusqu’ici, force est de constater qu’elle a fait son chemin et n’est plus adapté à la situation.
L’obsolescence d’un certain personnel politique déconnecté des populations parce que ne se préoccupant que de lui même et de son clan propre est réelle et regrettable.
La marginalisation à la base des partis alliés au profit de mouvements à impacte territorialement circonscrit donc limité dans le temps et l’espace est une évidence un facteur d’affaiblissement en même temps que de paupérisation quotidienne anesthésiant du coup leur capacité de mobilisation et minorant de facto considérablement leur apport au sein de la coalition BBY.
L’obsession des leaders locaux de BBY à vendre leur propre image au détriment de la nécessaire complicité stratégique et tactique que requiert une organisation de ce type est source de frictions internes de querelles de clans d’instabilité chronique et au final de grosses désillusions.
Tout n’est cependant pas perdu. Il faut se ressaisir illico presto reprendre vigoureusement la main apporter les corrections que requiert chaque cas et aborder sereinement les échéances futures.
Le bilan est déjà positif, l’histoire le retiendra comme tel quelque soit la suite.
Si le président Macky a l’opportunité par la volonté de Dieu et le choix des sénégalais de poursuivre l’œuvre et de finir le travail tant mieux , si par contre qu’à dieu ne plaise, il en est décidé autrement il ne pourra que sortir grandi à titre personnel de cette épreuve alors que son pays le Sénégal administrera encore une fois aux yeux du monde sa grande maturité démocratique et son arrimage définitif à ses principes et valeurs.

Ousseynou kEITA SG de l’uUnion communale de Thies  et membre du Bureau politique du Parti Socialiste

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