Le sport sénégalais á l’épreuve de la covid-19: Impacts et voies de résilience (Par Ibrahima DIBA)

0

Au soir du 23 mars 2020, le Président de la République du Sénégal, au cours d’une allocution diffusée à la chaîne nationale, annonçait la mise en place de l’état d’urgence sur toute l’étendue du territoire sénégalais dans le but de mieux faire face à la menace de la covid-19. Dans la foulée, il proposa une série de mesures de restrictions des libertés collectives et individuelles indispensable à la lutte contre le coronavirus.

Vingt-quatre heures après, ce fut autour du Ministre de l’Intérieur de prendre la balle au rebond pour détailler, dans un arrêté, les mesures prises par le Gouvernement du Sénégal pour pousser hors de nos frontières la pandémie. Parmi elles figuraient la fermeture des salles de sport et l’interdiction de toutes activités de rassemblement à but de pratique physique et sportive.

Par voie de conséquence, le Ministre des sports, de connivence avec tous les présidents de fédérations sportives, annonça, à son tour, la suspension des championnats de sports amateur et professionnel.

Six mois après cette série de mesures non moins importantes, il nous est aujourd’hui donné de constater que le virus gagne de plus en plus de terrain dans notre pays. Au moment où ces lignes sont écrites (le 27 août 2020), le Sénégal compte plus de 13294 cas confirmés de covid-19, dont 8974 guéris, 277 décès et 4042 sous traitement. Ces chiffres montrent que les différentes méthodes utilisées se sont révélées inefficaces. Et que, malgré toute la communication déployée par le Ministère de la santé autour des mesures barrières, une bonne partie de la population refuse encore de les suivre au pied de la lettre.

Dans cette catégorie sociale, le mouvement sportif est la seule à avoir respecté les mesures de protection édictées par l’Etat du Sénégal. Depuis le mois de mars, pas une seule rencontre sportive ne s’est tenue, les salles de sports ont été contraintes de fermer à deux reprises, les sports de quartier ne se tiennent plus, etc. Cette situation a fini par plonger le sport dans une crise hors du commun

L’économie du sport en berne

Une étude réalisée par l’Observatoire de l’économie du sport (organisme basé en France) prévoit  une baisse des revenus de 30% sur l’économie du sport dans sa globalité. A cet effet, Jérôme Pero, Secrétaire général de la Fédération européenne des industries du Sport, estime que: «près de 45% des entreprises ont déjà enregistré une perte de chiffre d’affaires comprise entre 50% et 90% depuis le début de la crise, et des centaines de milliers d’employés sont actuellement en chômage partiel à travers l’Europe».

Prenant l’exemple de la France, la même étude a révélé que les sports amateur et professionnel, dont le chiffre d’affaire était estimé à 78 milliards d’Euro, subiront une baisse de 30%.

Ces chiffres alarmants du continent voisin permettent de prévoir le pire sur le continent africain dont l’industrie sportive est encore à ses balbutiements et dépend en grande partie de l’Europe.

Il importe beaucoup de préciser que les recherches que j’ai menées sur les impacts économiques du coronavirus sur le sport africain en général et sénégalais en particulier ne m’ont pas permis d’avoir des estimations chiffrées sur le sujet à cause de l’inexistence d’étude réelle.

Cependant, une étude de la Banque africaine de développement, publiée en juillet 2020, prévoit que «le coronavirus pourrait faire tomber plus 50 millions d’africains dans la pauvreté». La même étude anticipe une contraction du PIB sur le continent de 1,7% à 3,4% en 2020.

On ne sait pas ce que représente la part du sport dans cette étude ; mais si ces estimations se confirment, beaucoup d’africains qui vivent directement ou indirectement du sport seront sans nul doute à comptabiliser parmi les 50 million de futurs pauvres.

Au Sénégal, une étude du Ministère de l’économie, du plan et de la coopération estime que de la croissance du PIB est projetée à 1,1% pour l’année 2020 alors qu’elle était attendue à 6.8%. Les secteurs des loisirs, de la culture et des sports figurent parmi les domaines les plus touchés par les effets de la pandémie.

La suspension des championnats amateur et professionnel et la fermeture des salles de sports a eu comme corollaire :

  • une baisse assez considérable du chiffre d’affaire des industries et autre commerce du sport ;
  • une crise financière au niveau de certaines fédérations et groupements sportifs ;
  • et une hausse du taux de chômage des travailleurs sportifs.

Le sport sénégalais est à bout de souffle à cause des effets de la pandémie sur le calendrier sportif et les grands projets de nos fédérations.

Le sport et son défi de survie face au coronavirus

Les chiffres que publie au quotidien le Ministère de la santé et de l’action sociale montrent que le virus a encore de beaux jours devant lui dans notre pays. C’est cette même réalité qui a contraint l’Etat du Sénégal à changer de fusil d’épaule, en assouplissant les restrictions de mobilité et la réouverture de l’espace aérien et terrestre au monde entier.

Après l’annonce du 29 juin 2020 par le Président de la République, la vie a repris ses droits un peu partout au Sénégal sous le signe du respect strict des gestes barrières.

Toutefois, les rencontres sportives dans les stades demeurent toujours interdites même si les salles de sports et la pratique d’activités physiques et sportives à titre individuel et collectif sont permises à condition que les gestes barrières soient scrupuleusement respectés.

De surcroît, le Ministre des sports annonce une enveloppe de 1,3 milliards Franc CFA du fonds Force covid, destinée au mouvement sportif sénégalais pour les appuyer dans leur résilience contre les conséquences de la pandémie.

Il faut admettre que ce fonds est un pas décisif vers la voie de résilience que le mouvement sportif se doit de trouver afin de mieux faire face aux pertes engendrées par la pandémie. Toutefois, au vu de ce qui se passe actuellement en Europe et en Amérique, j’estime, à juste titre, que le sport sénégalais ne peut pas attendre la fin du virus pour reprendre ses droits. Et puisque l’Etat du Sénégal s’est résolument engagé dans la voie de «vivre avec le virus», à l’instar des autres pays, le mouvement sportif, dans son ensemble, sous l’égide de la tutelle, doit trouver le moyen de renaître de ses cendres à l’instar des championnats européens et américains de sports professionnels.

En guise d’exemple, l’Italie a été pendant des mois le pays le plus touché par la pandémie de la covid-19 avec plus 35.000 morts ; mais malgré tout cela, la fédération italienne de football a trouvé le moyen de reprendre son championnat en procédant à des matchs à huis clos où le port de masque est obligatoire pour les officiels, les remplaçants, et autres membres de staff présents les stades, sauf les joueurs et les officiels qui sont sur le terrain. Ironie du sort, l’Inter de Milan a disputé la finale de l’Europa League. L’exemple de l’Italie a été suivi en Angleterre, en Allemagne, et en Espagne.

Il est vrai que les réalités socio-économiques ne sont pas les mêmes, nos championnats sont loin d’être les plus lucratifs au monde ; mais que faut-il faire ?

D’après les dernières estimations des scientifiques, si un vaccin n’est pas trouvé, le virus restera actif jusqu’au premier voire au deuxième trimestre de l’année 2021.

C’est la raison pour laquelle nous insistons sur le fait que le sport sénégalais se doit d’exister ; nos fédérations doivent suivre l’exemple des championnats européens et américains. A ce propos, le modèle de résilience adopté par la NBA est pertinent. En effet, c’est en plein dans les affres du coronavirus que la ligue américaine de basketball a décidé de regrouper les 22 meilleures équipes au classement des conférences Est et Ouest dans une «bulle» aménagée dans la grande ville d’Orlando pour la poursuite de la saison régulière et des playoffs  2019-2020, le tout dans le respect strict des mesures barrières. En outre, pour plus de vigilance, les joueurs, les officiels et les membres de staff sont régulièrement testés.

Le sport comme moyen efficace de lutte contre le coronavirus

En ce qui concerne les activités de sports de masse, parmi les mesures de restrictions prises par le Ministre de l’Intérieur dans sa communication du 07 août 2020 figure en bonne place l’interdiction à tout rassemblement dans les terrains de sport du fait de la recrudescence du nombre de cas de covid-19 au lendemain de la fête de Tabaski. Il est vrai qu’une telle mesure s’impose, mais il est tout aussi nécessaire d’encourager la pratique d’activités physiques ou sportives individuelles ; car des scientifiques de la grande université de Virginie aux Etats-Unis ont découvert que l’activité physique et sportive pourrait avoir un effet protecteur face à la covid-19.

Ce que montre l’étude de Zhen Yan et ses confrères c’est que l’activité physique tend à augmenter la production d’un antioxydant appelé Extracellular superoxide dismutase (EcSOD). Cet antioxydant extra-cellulaire jouerait un rôle fondamental dans les mécanismes de défense de l’organisme dans le cadre de plusieurs pathologies cardiaques, pulmonaires et même hépatiques. A noter que cette étude ne portait pas spécifiquement sur le coronavirus, c’est pourquoi il serait prématuré de considérer les activités physiques et sportives comme remède mais l’espoir est permis.

En définitive, nous devons garder à l’esprit qu’il est, certes, bien de rester chez soi pour se protéger, mais qu’il est encore mieux de bouger et manger sain.

Ibrahima DIBA

Inspecteur de la Jeunesse et des Sports

Mail: biradiba@yahoo.fr 

 

 

About Post Author

Visited 27 times, 1 visit(s) today

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.