Cahier vacances du «Témoin»- Ancienne gloire: Robert DIOUF, Une autre icône du «royaume d’enfance»

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En tout Sérère dort un artiste. S’il n’est pas chanteur, il est batteur ou danseur. Certains s’expriment avec beaucoup d’aisance sur ces trois registres. Sans doute un don du Créateur. Il en est un quatrième, la lutte, chasse gardée des Lébous ou Niominkas (pêcheurs en pays sérère) désignés sous le vocable de «peuples de l’eau», composés d’insulaires et autres personnes vivant au bord de l’eau.

Les jeunes issus de ces populations «aquatiques » tirent un profit inestimable des nombreuses plages où ils s’adonnent à leur jeu favori, la lutte en l’occurrence, après les débarquements des pirogues. La transition est toute trouvée pour feuilleter l’album-souvenirs du champion de légende Robert Diouf (Mohamed Ndiaye). Cette icône de la lutte (simple et avec frappe) est née le 3 février 1942 à Fadiouth baptisée l’île aux coquillages, à quelques encablures de Joal, le «royaume d’enfance» du président-poète, feu Léopold Sédar Senghor auquel il est lié par un pont. La carrière de Robert Diouf est riche de 137 combats, 7 défaites, 118 victoires et 12 nuls.. Pour un champion d’exception, l’ «invité du jour » de notre Cahier Vacances en est un.

La lutte est, chez le Sérère, ce que le football représente pour le Brésilien : Une véritable religion. Certains aiment tellement ce «jeu d’hommes» au point d’en devenir des «accros ». Ils n’hésitent pas à parcourir des kilomètres pour recevoir leur dose de «ndiom» (lutte sans frappe). Véritables «globe-trotters», ils sillonnent le «pays sérère» (les départements de Fatick et Mbour notamment), au rythme des tournois de lutte traditionnelles qui y sont organisés après la période des récoltes tout au long de l’année.

Une floraison d’étoiles
En plus de sa richesse économique (la pêche, principalement) et touristique, le département de Mbour appelée Petite Côte est un véritable vivier de champions. L’on y évoque avec beaucoup de nostalgie les noms de Manga Diouf, Pierre Téning, deux icônes de la lutte sénégalaise qui ont rehaussé l’image de l’ «île aux coquillages». Robert Diouf, leur successeur sur le «champ des opérations» (l’arène) avait donc de qui tenir ; de même que le trio gagnant composé de Mohamed Ndiaye (Robert Diouf), Manga 2 et Yakhya Diop Yékini). Les deux derniers ont permis à Joal-Fadiouth de remporter deux fois le titre de «roi des arènes». Quatre générations de lutteurs ont contribué à l’éclosion et à l’émergence de la lutte simple dans cette commune. Les porte-étendard en sont Manga Diouf, Mohamed Ndiaye (Robert Diouf), Manga 2 et Yakhya Diop Yékini . Chacune de ces icônes de la lutte (simple et frappe) se prévaut d’une carrière exceptionnelle riche en exploits, trophées, honneurs et décorations. La relève est assurée par la fratrie Diouf (Mbagnick Mamady et Ablaye). Ce trio de «fils de lutteur» est épaulée dans la noble tâche de péréniser l’œuvre grandiose de ses illlustres devanciers (pères et grand-frères) par un quatuor tout aussi gagnant dont feu Cheikhou Diène, Papis Général, L’An 2000 et Edouard Dimlé Diokh ; pour ne citer que les plus populaires qui, chaque week-end ; enflamment l’arène Adrien Senghor. Ce temple de la lutte simple sis au quartier populeux Grand-Yoff, véritable fabrique de champion que d’aucuns assimilent à un cours d’initiation (CI), est un passage obligé pour futur champion. Manga 2 et Yékini y ont fourbi leurs armes au contact de la crème de cette forme de lutte.

Les tournois de lutte traditionnelle, un passage obligé
En pays sérère, l’après-période des récoltes qui marque la fin des travaux champêtres est toujours mise à profit par les villageois pour organiser des tournois de lutte dont les mises sont essentiellement constituées de bœufs. L’opportunité est ainsi offerte aux jeunes lutteurs sérères de faire étalage de leur talents, affûter leurs armes avant de descendre sur Dakar, la capitale. Robert Diouf n’a pas dérogé à la règle Dès l’âge de 15 ans (1956), il a entamé sa période d’initiation en parcourant les contrées au rythme des tournois de lutte où il s’est brillamment illustré. C’était le prix à payer pour se révéler au public ; puis franchir le rubicon après un passage obligé par les «mbapaths» (tournois de lutte nocturne organisés dans des quartiers de Dakar) qu’il a découverts sept ans plus tard après avoir quitté son “royaume d’enfance”. Dans la capitale, Robert Diouf s’initie d’abord à la mécanique avant de renouer avec la lutte. Cette «mise au vert» a duré quatre ans avant que la lutte ne prenne définitivement le dessus. Le voilà parti pour une carrière exceptionnelle fort de son registre technique fouillé, sa puissance athlétique, mais surtout sa détermination à faire le vide autour de lui au contact d’autres jeunes lutteurs de la capitale dont les supporters n’avaient que leurs yeux pour pleurer après le passage de l’ «ouragan» Robert.

Double Less battu en … «aller –retour »
Révélé au grand public par les exploits retentissants réalisés au cours de ces compétitions nocturnes, Robert Diouf attise les appétits des promoteurs de l’époque, tombés sous le charme de son immense talent et sa popularité qui en avaient fait le «seigneurs des mbapaths». Il n’en fallait pas plus pour en faire l’ “homme à abattre”. Qui pour réussir cette mission ? Le choix se porta sur un lutteur lébou mis en selle par les responsables de la lutte dans la région du Cap-Vert d’alors, pour un combat en lutte avec frappe. Quid du cachet ? Il s’élevait à 150 frs cfa. Qu’à cela ne tienne. Robert Diouf n’avait qu’un seul objectif : Poursuivre son ascension vers le sommet de l’arène. Ce premier «examen de passage» réussi avec brio, le natif de Fatdiouth avait désormais toute la latitude de se faire davantage un nom dans l’arène. Cette victoire permit au vainqueur de prendre du galon et d’entamer son ascension vers le sommet. L’avènement de Robert Diouf a coïncidé avec la montée en puissance d’un champion venu du lointain Pakao, Mamadou Sakho dit Double Less fort, de ses mensurations hors normes, bien servi par un gabarit imposant. Le face-à-face Robert-Double Less tourna en faveur du premier nommé qui prit du plaisir à dompter un adversaire que l’on disait redoutable. Le quartier Usine (en face des HLM) avait servi de cadre à ce «must» de l’époque. Ce cuisant revers était resté au travers de la gorge de Double Less qui ne jurait et ne vivait que pour une revanche face à son tombeur. Les dieux de l’arène ont exaucé son vœu quelques années plus tard. Précision de taille: Le cadre et la forme de lutte étaient autres. En lieu et place du quartier Usine, c’est le Stade Iba Mar Diop qui avait abrité l’Acte II de Robert-Double Less non pas en lutte simple, mais en lutte avec frappe. Le père de Balla Gaye 2 et Sa Thiès connut le même sort face au même adversaire. Pour la seconde fois, les dieux de l’arène avaient jeté leur dévolu sur le natif de Fadiouth qui étoffa ainsi son pamarès d’une victoire éclatante acquise de haute lutte.
Catholique de naissance, Robert Diouf se converti à la religion musulmane en 1977 et se prénomma Mohamed, du nom du prophète (Paix et Salut sur Lui). Ce choix lui valut la désapprobation de certains de ses co-religionnaires avec fortes menaces d’ordre mystique . La pillule était très difficile à avaler pour eux. Et Mohamed Ndiaye d’entamer sa traversée au désert avec, à la clé, des revers dont un par KO face à feu Papa Kane de Thiaroye en 1979.

«High lights» ( temps forts) de son album-souvenirs
Dans la série « combats mémorables », Robert Diouf retient celui qui l’a opposé à Moussa Diamé, disputé en deux éditions dont l’acte I avait été interrompu pour cause de blessure de son adversaire Il s’en explique : « Mon adversaire avait un doigt de la main fracturé. Il avait été acheminé à l’hôpital de Fann pour les besoins de soins». Après une convalescence d’au moins trois semaines, Moussa Diamé exprima à nouveau l’envie de solder définitivement les comptes avec Robert Dopuf. Ce dernier accéda à sa demande. Le stade Iba Mar Diop accueilla ce «remake» dont l’issue a été favorable au père de Mbagnick, Mamady et Ablaye ndiaye. Et la colonne «Victoire» de sa riche carrière de Robert Diouf de s’enrichir d’une unité. Au final, Robert Diouf a réalisé une carrière exceptionnelle marquée par 137 combats avec 7 défaites, 118 victoires et 12 nuls.
Pour l’histoire, c’est lors du combat Robert-Mbaye Guèye qu’un lutteur a perçu un premier cachet de 1.000.000 de frs cfa. C’était au stade Demba Diop. Suffisant pour que l’arène connaisse son âge d’or avec une torrent de millions de francs cfa au grand bonheur des cadres et autres Vip dont certains mènent une véritable vie de pacha.
Au plan interntional, Robert Diouf a remporté une médaille d’or lors des Championnats d’Afrique de lutte en 1969 en lutte libre et une médaille d’argent en 1971 en lutte gréco-romaine. Il a représenté le Sénégal en lutte libre et gréco-romaine aux Jeux olympiques de Montréal 1976, et en lutte libre aux Jeux olympiques de Munich 1972.. Mohamed Ndiaye a été entraîneur de self combat et de judo durant de longues années à l’Ecole nationale de Police.
Après une riche carrière sportive, Robert Diouf s’est retiré à Joal où il vit entouré de sa famille. Pour autant, il n’a pas rompu les amarres avec la lutte. Il invite la jeune génération à beaucoup plus de responsabilité et à mener une vie de sportif. C’est la seule alternative pour devenir un grand champion.
Babacar Simon FAYE

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