Dossier Sankara : Un témoin oculaire narre les événements du 15 octobre 1987
C’est le 25 mai, jour de l’exhumation des dépouilles de Thomas Sankara et de ses 12 compagnons que Radio Oméga a rencontré un témoin des évènements du 15 octobre 1987. «(…) Aux environs de 16h quand on partait avec nos gamelles pour prendre la nourriture, on a vu des éléments qui sont arrivés dans trois pickups et ils étaient armés», ainsi commence son récit. Lisez !
Vous indiquez que vous avez été témoin des événements du 15 octobre 1987 ?
Le 15 octobre, j’étais au poste avec mon chef de poste. On était assis et c’est aux environs de 15 heures que le lieutenant Somé Gaspard a fait une revue de troupes et aux environs de 16h quand on partait avec nos gamelles pour prendre la nourriture, on a vu des éléments qui sont arrivés dans trois pickups et ils étaient armés.
On ne pensait pas à un coup d’Etat, mais ça a commencé à tirer, aux environs de 16h 30 maintenant qu’on a déserté nos postes. On voulait rentrer à l’intérieur pour nous désarmer et fuir. C’est de là qu’on a vu que (Thomas) Sankara était déjà mort. Ils ont assassiné (Thomas) Sankara et ses compagnons.
Vous affirmez avoir vu le corps de Thomas Sankara…
J’ai vu le corps. C’est en entrant pour nous déshabiller et fuir qu’on a vu le corps.
Donnez-nous des détails.
On l’a criblé de balles. Il y a un qui avait le crane ouvert.
Et Thomas Sankara ?
C’est sur sa poitrine qu’on a tiré. Nulle part ailleurs, c’est sur la poitrine.
Quelle était la distance entre votre poste et le lieu du crime ?
A peu prêt 150 à 200 mètres.
Avez-vous essayé de répliquer ?
On ne pouvait pas répliquer. Un bon militaire, quand il entend un coup de feu, il ne faut pas se précipiter. Il faut d’abord faire le placage au sol et ramper pour aller dans un lieu sûr pour réagir ensuite.
Comment avez-vous fait pour quitter le camp ?
Nous avons été repérés et ils ont commencé à tirer sur nous. Nous avons perdu Ilboudo François. Ils avaient positionné les militaires partout, même à l’aéroport et ils étaient en position de tir. Vous voyez les blessures (il indique une partie de son corps, ndlr), ce sont des balles.
Vous étiez au nombre de combien ?
Nous étions six (06) au poste.
Avez-vous aperçu ceux qui étaient sur le terrain ?
Il y avait Somé Gaspard, Hyacinthe Kafando et d’autres éléments. Mais comme on se cherchait, on n’avait pas le temps pour bien voir. Ils sont venus et ils nous ont considérés comme leurs ennemis pour tirer sur nous. Je vous parle, mais sincèrement j’ai mal.
Est-ce qu’on a essayé de vous retrouver ?
Oui, ils savent où nous habitions. Nous avons été appelés et quand nous sommes arrivés, nous avons été tous arrêtés. On était au nombre de 25 ou 27, je ne me rappelle plus très exactement. Nous avons été gardés jusqu’en mai 1988. Après cela, nous avons été complètement libérés. Ils nous ont dit d’aller nous reposer et quand ils auront besoin de nous, ils vont nous appeler.
On vous a regroupé on vous a envoyé des correspondances ?
On nous a regroupés.
Qui était là ?
C’était le lieutenant Diendéré. Mais le jour du 15 octobre, il n’était pas au Conseil. Je ne sais pas là où il était, mais il n’était pas au Conseil.
Donc Gilbert Diendéré n’était pas au Conseil le 15 octobre ?
Il n’y était pas, mais il était adjoint au Chef de corps de Blaise (Compaoré).
Après votre libération, est ce que vous êtes rentrés en possession de vos droits ?
On ne cherche même plus à savoir. Peut-être avec la Transition on va essayer de se retrouver. Mais on nous a libérés, on ne connaissait pas le droit. Tu vas aller le demander à qui ? Tu veux qu’on te tue maintenant… C’est mieux de te taire que l’aller réclamer tes droits.